vendredi 25 avril 2014

Un petit tour au Music Hall


Comparer des câbles USB... Est-ce bien raisonnable ?

Etant à la recherche d’un câble USB de haute qualité à utiliser dans le cadre d’enregistrement en studio (où ce ne sont pas 2 canaux qu’il me faudra transmettre entre un convertisseur analogique/numérique et un ordinateur, mais 16 - et de manière bidirectionnelle, c’est-à-dire en fait l’équivalent de 32 canaux à 96 kilohertz et 24 bits !), je me suis naturellement confié à mon ami Martial Hernandez, bien connu pour ses amitiés numériques électives. Lui qui a numérisé des milliers de CD et a constitué de kolossales bases de données portatives sur disque dur connaît tout ou presque du sujet. En tout cas, il maîtrise ce sujet du point de vue de l’utilisateur chevronné et non de l’audiophile coupant le décibel en 2quelquechose, et c’est ce qui m’importait.

À son invitation, je me rends donc chez Music-Hall où il officie quelques jours par semaine, à l'optimisation des très beaux systèmes en écoute dans l’auditorium du sous-sol. 

Objectif : comparer auditivement 3 modèles de câbles, dont deux représentants de la gamme Wireworld, fabricant américain réputé notamment pour ses conceptions "numériques".

Première écoute avec un câble USB de base du type de celui livré avec n’importe quel périphérique informatique et que l’on trouve dans tous les magasins pour une somme qui n’excède jamais 10 à 15 €. Sans autre point de comparaison que la lecture CD (sur une très bonne machine), nous commençons le test avec un titre de l’album Asking a Cosmopolitan de Karim Blal. Quantitativement, on pourrait dire de 80 % des informations sont là, mais c’est au niveau de la présentation que le bât blesse une oreille exigeante. Si elle ne manque pas de détails, la  restitution révèle immédiatement un caractère empâté, cette fameuse sonorité de "boîte à godasses". Le type même de résultat qui peut inciter les esprits chagrins ou passéistes à conclure trop vite que la lecture dématérialisée à partir d’un ordinateur est consubstantiellement incapable d’une bonne musicalité.

Or, Martial Hernandez connaît parfaitement ces nouveaux territoires de la musique dématérialisée et sait ce que l’on peut en tirer. Il sait également qu’un CD correctement rippé et présenté à un bon convertisseur est capable de réduire au silence (admiratif) tout ceux qui se perdent en conjectures sur les vertus relatives des enregistrements haute définition que l’on peut aujourd’hui télécharger ici et là. Pourvu évidemment que les différents maillons impliqués (y compris bien entendu le câble USB qui relie l’ordinateur au convertisseur) soient tous d’un niveau de qualité cohérent (et aussi élevé que possible). Pour un amateur un peu averti, il est donc facile de pressentir quel compartiment de jeu pourrait bénéficier d’un remplacement par une meilleure référence, car en plus du son "carton", la restitution affiche un côté raide un peu caricatural.



Nous passons donc rapidement au modèle Wireworld Starlight 7 (rouge), qui dès les premières notes, ouvre énormément le bas du spectre et fluidifie sensiblement le message. Toute coloration semble désormais abolie, la musique s’écoulant avec beaucoup de naturel et de matière. C’est particulièrement le cas avec les Artemis interprétant le quatrième quator de LVB. Bien que les nouvelles enceintes Tannoy DC 10 A ne soient pas encore complètement rodées, la matière sonore est bien pleine, les motifs rythmiques bien détourés, les traits d’archets bien marqués, mais avec un côté acidulé un peu persistant que l’on peut mettre sur le compte de la verdeur résiduelle des transducteurs.

Si l’écart qualitatif entre ces deux premiers câbles est manifeste (et justifié vu le rapport de prix) on a du mal à imaginer que le changement pour un modèle supérieur puisse être aussi sensible. Or le passage au modèle Starlight 7 Platinum (gris argenté) est sans appel. Il apporte de nouveau un surcroît de fluidité très sensible. Cette fois, le côté un peu forcé de l’exécution musicale disparaît pratiquement et tout semble beaucoup plus naturel encore. La scène sonore, initialement assez contrainte, s’est magnifiquement ouverte. Avec le système coaxial Tannoy, elle atteint des sommets de précision.


L'écoute la plus spectaculaire se fera néanmoins avec Ella Fitzgerald sur le titre "Good Morning Heartache" tiré d’une compilation CD éditée par Gitane Jazz. Entre les deux références Wireworld (nous avons abandonné le câble de bicyclette comme le baptise affectueusement Martial) ce n’est certes pas le jour et la nuit car le Starlight 7 était déjà très convaincant. Mais l’apport du modèle de haut de gamme est indéniable et se concrétise magnifiquement dans l’expressivité du chant d’Ella Fitzgerald. A l’analyse, ce sont les inflexions de voix de l’immense chanteuse qui sont ici parfaitement retranscrites, ce qui confère une humanité inédite à son chant, et donne tout leur sens aux paroles mélancoliques de cette chanson. Avec le modèle Starlight 7, l’attention de l’auditeur était assez vite attirée par la signature sonore du micro, sa tendance à la sibilance. Le modèle Platinum restitue quant à lui une matière sonore plus charnue, plus pleine, qui relègue au deuxième plan les artefacts de prise de son. L’apport du modèle haut de gamme se traduit donc pleinement en termes de plaisir musical ressenti, d'implication, et non pas sur des aspects purement techniques de la reproduction.


Conclusion

Dépenser plus de 600 € dans un cordon USB audio (susceptible de coûter plus cher que l’ordinateur lui-même !) paraît peut être absurde dans l’absolu. Mais il n’y a qu’à faire un essai pour être convaincu du bien fondé de la démarche. Évidemment, l’écart entre le modèle Starlight et le Starlight Platinum est moins marqué que celui qui existe entre un câble de base est un câble USB audio de bonne qualité. Il y a comme le dit Martial un effet de nivellement par le haut. C’est la fameuse loi des 20/80. Néanmoins, dans le cadre d’un système de très haut niveau comme c’est le cas ici, le modèle Platinum s’impose assez naturellement, sans que l’on ait besoin de se perdre en laborieuses comparaisons croisées. 

Et dans un système haute-fidélité de moyenne gamme ou d’entrée de gamme, le recours au plus abordable Starlight 7 constituera un socle qualitatif minimal qui permettra d’apprécier la musique dématérialisée lue avec un ordinateur sans se poser de questions métaphysiques. Certes, nous aimons la métaphysique (et pour certains d’entre nous, la pataphysique même).  Mais comme le dit Martial citant lui-même Engels : "La preuve du pudding c’est qu’on le mange". La preuve que l’ordinateur peut désormais avoir sa place dans la chaîne hi-fi c’est que cela fonctionne, et plutôt très bien si on s’en donne les moyens... Il est en effet utile de s’entourer d’un certain nombre de précautions, mais qui ne sont ni très ésotériques ni très inaccessibles : choisir un bon player software (JRiver par exemple), une connectique de qualité et un DAC étudié pour compenser la jigue naturelle des ordinateurs, dont les circuits d’horloge restent en général très perfectibles. Le reste n’est que littérature !

Wireworld Starlight 7 (rouge) en 1 m : 119 €
Wireworld Starlight Platinum (gris argenté) en 1 m : 599 €


Enceintes Tannoy Definition DC 10 A

Cette expérience édifiante s’est complétée chez Music Hall de la découverte du nouveau modèle d’enceintes Definition DC 10 A du constructeur anglais Tannoy. Sur ce modèle, Tannoy abandonne le look british suranné qui caractérise sa production depuis toujours. La DC 10 A est en effet une imposante colonne laquée noire sans aspérités, reposant sur un socle massif en aluminium muni de pointes de découplage. 

L’unique haut-parleur qui les équipe est un modèle coaxial à deux voies qui reste une des marques de fabrique de ce fabricant. L’abandon de la tradition n’est donc pas totale ! Ce transducteur au rendement élevé gère l’ensemble du spectre sonore avec l’avantage de présenter un point d’émission unique, ce qui est idéal du point de vue acoustique.

Les DC 10 A pourront constituer le dernier maillon d’un très gros système tant leurs performances sont élevées et complètes, que ce soit en matière de dynamique, d’extension de la bande passante ou de transparence dans tous les registres. Les Tannoy Definition ne mettront pas l’amplificateur à genoux puisque que leur rendement avantageux de 93 dB ne réclame guère qu’une bonne trentaine de watts pour s’exprimer. Elles nécessitent en revanche un rodage conséquent (sans doute plus long que pour d’autres modèles d’enceintes). Il est très difficile de faire bouger la membrane de la voie grave dans les premières heures ! Mais quand ça vient, ça décoiffe… Une fois ce rodage effectué et la bonne association de câble trouvée, les Tannoy reproduisent avec facilité et beaucoup de transparence un spectre très étendu de l’extrême grave à l’extrême aigu. 

Ecouté à niveau réaliste, le trio de super-contrebassistes Ray Brown, John Clayton et Christian Mc Bride laisse pantois, sans manifester de rondeur excessive : au contraire, la fermeté instrumentale est exemplaire. La scène sonore reconstituée par ces deux monolithes cyclopéens de 43 kg pièce est à la fois précise, profonde et, pourrait-on dire, holographique. Franck Sinatra respire comme rarement il l’a fait… sa présence est manifeste. Ce mixage typé variété (avec le grand orchestre dans le fond) est magnifiquement mis en valeur, les différents plans instrumentaux se détachant bien les uns les autres. C’est une preuve supplémentaire de ce que l’on peut extraire comme information à partir d’un simple CD (ou de son image dématérialisée). 



Imposantes, les Tannoy Definition DC 10 A le sont ! 
Mais elles sont un peu moins trapues qu'il n'y paraît sur cette image, 
dont les bords sont déformés par l'objectif grand angle...

Évidemment, le convertisseur du lecteur Accuphase DP 550 et l’amplificateur intégré Mac Intosh MA 7900 y sont bien sûr pour quelque chose. A ce propos, notons la grande tenue du Mac Intosh, à la restitution bien charnue mais jamais traînante ni caricaturalement chaleureuse. Ces électroniques n’ont gardé de vintage que la face avant et les vu-mètres. Mais la technologie, les options disponibles (entrée phono et DAC), et au final les résultats d’écoute sont de très haut niveau, et tout à fait au goût du jour.


Conclusion :

Les enceintes Tannoy Definition DC 10 A sont faites pour les amateurs de son consistant mais précis. Les matériaux plutôt traditionnels utilisés (membrane en papier pour la voie grave, aluminium pour l'aiguë) n’édulcorent pas le message, ne le rende pas plus joli que nature. Il se dégage au contraire de ces imposantes colonnes une vivacité et une matière qui rapproche l’auditeur de l’événement musical live, avec parfois ses imperfections ou ses duretés. On imagine qu’un mixage mal équilibré sera sans doute moins toléré sur un système de ce type, très rapide et "mordant". À l’inverse, les enregistrements riches en informations bien mises en perspective prendront un relief tout à fait exceptionnel. Il s’agit d’une enceinte de prix élevé mais pas exubérant ; la restitution est, elle, spectaculaire.


Tannoy Definition DC 10 A

Enceinte acoustique 2 voies
Fréquence de coupure 1100 Hz
Réponse en fréquence : 28 Hz - 22 kHz
Rendement : 93 dB
Dimensions : 1135 x 345 x 438 mm
Prix indicatif : 14 900 € la paire.