Comparer des câbles USB... Est-ce bien raisonnable ?
Etant à la recherche d’un
câble USB de haute qualité à utiliser dans le cadre d’enregistrement en studio (où
ce ne sont pas 2 canaux qu’il me faudra transmettre entre un convertisseur
analogique/numérique et un ordinateur, mais 16 - et de manière bidirectionnelle,
c’est-à-dire en fait l’équivalent de 32 canaux à 96 kilohertz et 24 bits !),
je me suis naturellement confié à mon ami Martial Hernandez, bien connu pour
ses amitiés numériques électives. Lui qui a numérisé des milliers de CD et a
constitué de kolossales bases de données portatives sur disque dur connaît tout
ou presque du sujet. En tout cas, il maîtrise ce sujet du point de vue de l’utilisateur
chevronné et non de l’audiophile coupant le décibel en 2quelquechose,
et c’est ce qui m’importait.
À son invitation, je me
rends donc chez Music-Hall où il officie quelques jours par semaine, à l'optimisation des très beaux systèmes en écoute dans l’auditorium du sous-sol.
Objectif : comparer auditivement 3 modèles de câbles, dont deux représentants
de la gamme Wireworld, fabricant américain réputé notamment pour ses
conceptions "numériques".
Première écoute avec un
câble USB de base du type de celui livré avec n’importe quel périphérique
informatique et que l’on trouve dans tous les magasins pour une somme qui n’excède
jamais 10 à 15 €. Sans autre point de comparaison que la lecture CD (sur une très
bonne machine), nous commençons le test avec
un titre de l’album Asking a Cosmopolitan
de Karim Blal. Quantitativement, on pourrait dire de 80 % des informations sont
là, mais c’est au niveau de la présentation que le bât blesse une oreille
exigeante. Si elle ne manque pas de détails, la restitution révèle immédiatement un caractère empâté, cette fameuse
sonorité de "boîte à godasses". Le type même de résultat qui peut
inciter les esprits chagrins ou passéistes à conclure trop vite que la lecture
dématérialisée à partir d’un ordinateur est consubstantiellement incapable d’une
bonne musicalité.
Or, Martial Hernandez connaît
parfaitement ces nouveaux territoires de la musique dématérialisée et sait ce
que l’on peut en tirer. Il sait également qu’un CD correctement rippé et présenté
à un bon convertisseur est capable de réduire au silence (admiratif) tout ceux
qui se perdent en conjectures sur les vertus relatives des enregistrements
haute définition que l’on peut aujourd’hui télécharger ici et là. Pourvu évidemment
que les différents maillons impliqués (y compris bien entendu le câble USB qui
relie l’ordinateur au convertisseur) soient tous d’un niveau de qualité cohérent
(et aussi élevé que possible). Pour un amateur un peu
averti, il est donc facile de pressentir quel compartiment de jeu pourrait
bénéficier d’un remplacement par une meilleure référence, car en plus du son "carton", la restitution affiche un côté raide un peu
caricatural.
Nous passons donc rapidement au modèle Wireworld Starlight 7 (rouge),
qui dès les premières notes, ouvre énormément le bas du spectre et fluidifie sensiblement
le message. Toute coloration semble désormais abolie, la musique s’écoulant
avec beaucoup de naturel et de matière. C’est particulièrement le cas avec les Artemis
interprétant le quatrième quator de LVB. Bien que les nouvelles enceintes
Tannoy DC 10 A ne soient pas encore complètement rodées, la matière sonore est
bien pleine, les motifs rythmiques bien détourés, les traits d’archets bien
marqués, mais avec un côté acidulé un peu persistant que l’on peut mettre sur
le compte de la verdeur résiduelle des transducteurs.
Si l’écart qualitatif
entre ces deux premiers câbles est manifeste (et justifié vu le rapport de
prix) on a du mal à imaginer que le changement pour un modèle supérieur
puisse être aussi sensible. Or le passage au modèle Starlight 7 Platinum (gris
argenté) est sans appel. Il apporte de nouveau un surcroît de fluidité très
sensible. Cette fois, le côté un peu forcé de l’exécution musicale disparaît
pratiquement et tout semble beaucoup plus naturel encore. La scène sonore, initialement
assez contrainte, s’est magnifiquement ouverte. Avec le système coaxial Tannoy,
elle atteint des sommets de précision.
L'écoute la plus
spectaculaire se fera néanmoins avec Ella Fitzgerald sur le titre "Good Morning Heartache" tiré
d’une compilation CD éditée par Gitane Jazz. Entre les deux références
Wireworld (nous avons abandonné le câble de bicyclette comme le baptise
affectueusement Martial) ce n’est certes pas le jour et la nuit car le
Starlight 7 était déjà très convaincant. Mais l’apport du modèle de haut de
gamme est indéniable et se concrétise magnifiquement dans l’expressivité du
chant d’Ella Fitzgerald. A l’analyse, ce sont les inflexions de voix de l’immense
chanteuse qui sont ici parfaitement retranscrites, ce qui confère une humanité inédite
à son chant, et donne tout leur sens aux paroles mélancoliques de cette
chanson. Avec le modèle Starlight 7, l’attention de l’auditeur était assez vite
attirée par la signature sonore du micro, sa tendance à la sibilance. Le modèle
Platinum restitue quant à lui une matière sonore plus charnue, plus pleine,
qui relègue au deuxième plan les artefacts de prise de son. L’apport du modèle
haut de gamme se traduit donc pleinement en termes de plaisir musical ressenti, d'implication, et non
pas sur des aspects purement techniques de la reproduction.
Conclusion
Dépenser plus de 600 €
dans un cordon USB audio (susceptible de coûter plus cher que l’ordinateur
lui-même !) paraît peut être absurde dans l’absolu. Mais il n’y a qu’à
faire un essai pour être convaincu du bien fondé de la démarche. Évidemment, l’écart
entre le modèle Starlight et le Starlight Platinum est moins marqué que celui
qui existe entre un câble de base est un câble USB audio de bonne qualité. Il y
a comme le dit Martial un effet de nivellement par le haut. C’est la fameuse
loi des 20/80. Néanmoins, dans le cadre d’un système de très haut niveau comme
c’est le cas ici, le modèle Platinum s’impose assez naturellement, sans que l’on
ait besoin de se perdre en laborieuses comparaisons croisées.
Et dans un système
haute-fidélité de moyenne gamme ou d’entrée de gamme, le recours au plus
abordable Starlight 7 constituera un socle qualitatif minimal qui permettra d’apprécier
la musique dématérialisée lue avec un ordinateur sans se poser de questions métaphysiques.
Certes, nous aimons la métaphysique (et pour certains d’entre nous, la
pataphysique même). Mais comme le
dit Martial citant lui-même Engels : "La preuve du pudding c’est qu’on le
mange". La preuve que l’ordinateur peut désormais avoir sa place dans la chaîne
hi-fi c’est que cela fonctionne, et plutôt très bien si on s’en donne les
moyens... Il est en effet utile de s’entourer d’un certain nombre de précautions,
mais qui ne sont ni très ésotériques ni très inaccessibles : choisir un
bon player software (JRiver par exemple), une connectique de qualité et un DAC étudié
pour compenser la jigue naturelle des ordinateurs, dont les circuits d’horloge
restent en général très perfectibles. Le reste n’est que littérature !
Wireworld Starlight 7 (rouge) en 1 m : 119 €
Wireworld Starlight Platinum (gris argenté) en 1 m : 599 €
Enceintes Tannoy Definition DC 10 A
Cette expérience édifiante
s’est complétée chez Music Hall de la découverte du nouveau modèle d’enceintes
Definition DC 10 A du constructeur anglais Tannoy. Sur ce modèle, Tannoy abandonne
le look british suranné qui caractérise sa production depuis toujours. La DC 10
A est en effet une imposante colonne laquée noire sans aspérités, reposant sur
un socle massif en aluminium muni de pointes de découplage.
L’unique haut-parleur qui
les équipe est un modèle coaxial à deux voies qui reste une des marques de
fabrique de ce fabricant. L’abandon de la tradition n’est donc pas totale !
Ce transducteur au rendement élevé gère l’ensemble du spectre sonore avec l’avantage
de présenter un point d’émission unique, ce qui est idéal du point de vue
acoustique.
Les DC 10 A pourront constituer
le dernier maillon d’un très gros système tant leurs performances sont élevées et complètes,
que ce soit en matière de dynamique, d’extension de la bande passante ou de
transparence dans tous les registres. Les Tannoy Definition ne mettront pas l’amplificateur
à genoux puisque que leur rendement avantageux de 93 dB ne réclame guère qu’une
bonne trentaine de watts pour s’exprimer. Elles nécessitent en revanche un rodage conséquent
(sans doute plus long que pour d’autres modèles d’enceintes). Il est très
difficile de faire bouger la membrane de la voie grave dans les premières
heures ! Mais quand ça vient, ça décoiffe… Une fois ce rodage effectué et
la bonne association de câble trouvée, les Tannoy reproduisent avec facilité et
beaucoup de transparence un spectre très étendu de l’extrême grave à l’extrême
aigu.
Ecouté à niveau réaliste, le trio de super-contrebassistes Ray Brown,
John Clayton et Christian Mc Bride laisse pantois, sans manifester de rondeur excessive : au contraire, la fermeté
instrumentale est exemplaire. La scène sonore reconstituée par ces deux
monolithes cyclopéens de 43 kg pièce est à la fois précise, profonde et, pourrait-on dire,
holographique. Franck Sinatra respire comme rarement il l’a fait… sa présence
est manifeste. Ce mixage typé variété (avec le grand orchestre dans le fond)
est magnifiquement mis en valeur, les différents plans instrumentaux se détachant bien les uns
les autres. C’est une preuve supplémentaire de ce que l’on peut extraire comme
information à partir d’un simple CD (ou de son image dématérialisée).
Imposantes, les Tannoy Definition DC 10 A le sont !
Mais elles sont un peu moins trapues qu'il n'y paraît sur cette image,
dont les bords sont déformés par l'objectif grand angle...
Évidemment, le convertisseur du lecteur
Accuphase DP 550 et l’amplificateur intégré Mac Intosh MA 7900 y sont bien sûr
pour quelque chose. A ce propos, notons la grande tenue du Mac Intosh, à la
restitution bien charnue mais jamais traînante ni caricaturalement chaleureuse.
Ces électroniques n’ont gardé de vintage que la face avant et les vu-mètres.
Mais la technologie, les options disponibles (entrée phono et DAC), et au final
les résultats d’écoute sont de très haut niveau, et tout à fait au goût du
jour.
Conclusion :
Les enceintes Tannoy
Definition DC 10 A sont faites pour les amateurs de son consistant mais précis.
Les matériaux plutôt traditionnels utilisés (membrane en papier pour la voie grave, aluminium pour l'aiguë) n’édulcorent pas le message, ne le rende pas plus
joli que nature. Il se dégage au contraire de ces imposantes colonnes une
vivacité et une matière qui rapproche l’auditeur de l’événement musical live,
avec parfois ses imperfections ou ses duretés. On imagine qu’un mixage mal équilibré
sera sans doute moins toléré sur un système de ce type, très rapide et "mordant".
À l’inverse, les enregistrements riches en informations bien mises en
perspective prendront un relief tout à fait exceptionnel. Il s’agit d’une
enceinte de prix élevé mais pas exubérant ; la restitution est, elle, spectaculaire.
Tannoy Definition DC 10 A
Enceinte acoustique 2 voies
Fréquence de coupure 1100 Hz
Réponse en fréquence : 28 Hz - 22 kHz
Rendement : 93 dB
Dimensions : 1135 x 345 x 438 mm
Prix indicatif : 14 900 € la paire.