Cellule Transfiguration Proteus
Origine : Japon - Prix : 3110 € - Distribué par : L'Audiodistribution
Un peu de mythologie
Dans la mythologie grecque, Protée (Πρωτεύς)
est le dieu de la mer, possédant à la fois le don de prophétie et le pouvoir de
se métamorphoser à volonté. Mais selon l’ésotériste Emmanuel
d’Hooghvorst :
«Il représente
à la fois le feu magique dompté et le magicien lui-même».
Toutes ces qualités lui confèrent donc une position très enviable parmi les
innombrables dieux que l’homme a invoqué au cours de l’histoire, tout panthéons
confondus. Nous le verrons, le choix de cette divinité par Seiji Yoshioka - fondateur et dirigeant de Immutable Music - pour baptiser sa dernière création haut de gamme n’est
probablement pas tout à fait dû au hasard. Mais la cellule Proteus est-elle
tellement révélatrice de ce qui
est gravée sur un disque ? Est-elle véritablement capable d’un total mimétisme instrumental ? On
pourrait estimer que ce nom – tout comme celui de la marque d’ailleurs - est
un peu présomptueux. Qu’en est-il vraiment ?
Les principes fondateurs
La marque Transfiguration a fêté ses 20 ans
en 2012. Mais, face à la myriade actuelle de produits dévolus à la lecture
analogique, on ne peut pas accuser le fabricant japonais d’avoir inondé le
monde d’une noria de modèles. Depuis la toute première référence AF-1,
introduite en 1992, une dizaine de modèles au plus ont été conçus. Mais déjà, à
l’époque, un certain Ken Kessler posait sans ambages une question rien
moins que fondamentale : « S’agit-il
tout simplement de la meilleure cellule au monde ? ».
Quoiqu’entretenue avec discrétion, la
réputation de Transfiguration n’a pas failli. Les connaisseurs de la marque
apprécient ce qu’il y a d’immuable dans la philosophie de son concepteur :
s’approcher toujours plus près de ce que la musique a d’humain, de la pure et
délicate émotion dont elle est porteuse (exception faite peut-être de certains
courants musicaux extrêmes qui n’ont rien de pur ni de délicat…). Et, pour
ainsi dire quel que soit le modèle, le constructeur a su maintenir au fil des
années un niveau de fidélité à la musique, de performances subjectives toujours
exceptionnel, en restant fidèle à quelques principes de conception finalement
très sains, et qui brillent souvent par leur rassurante évidence. Ce qui ne
signifie pas forcément que leur mise en œuvre soit aisée !
Que M. Yoshioka soit amateur d’opéra – et, selon la légende, grand collectionneur
d’enregistrements anciens – n’est sans doute pas étranger à la chose. Mais on
aurait bien tort de réduire les qualités des cellules Transfiguration à leur
aptitude à (re)produire de jolies voix : en général, il faut admettre que
leurs qualités s’étendent à bien d’autres compartiments de jeu, si tant est
qu’il soit possible de compartimenter quoi que ce soit à l’écoute d’une cellule
Transfiguration - et de la Proteus en particulier !
Quels sont ces
principes ? Rappel technique rapide en deux points majeurs, qui constituent
en quelque sorte la marque de fabrique des modèles Transfiguration : la
suspension « push-pull » et la géométrie des aimants tubulaires en
regard desquels les bobines mobiles sont disposées. Ces deux conceptions sont
très simplement illustrées dans les schémas ci-dessous.
Tout d’abord, en
vue de coupe longitudinale, on observe que l’extrémité du levier porte-pointe (cantilever) qui porte les bobines (coils) est retenue par un minuscule fil (suspension string) à l’armature de la
cellule. Les bobines, constituées ici d'un noyau de section carrée en mumétal et de minuscules enroulements en argent très pur, s’appuient donc contre les disques amortisseurs (dampers) grâce à la tension de ce fil.
On conçoit que ce système mécanique dit « push-pull »
(le fil tire – la suspension pousse), s’il est correctement ajusté, soit garant
de la parfaite intégrité mécanique de l’équipage mobile - notamment sur le long
terme, davantage en tous cas que des dispositions traditionnelles où les
bobines mobiles sont simplement collées à une suspension elle-même collée au
corps de la cellule. De plus, le point d’attache du porte-pointe à ce fil
constitue un pivot ponctuel fixe, point de référence immuable qui garantit a
priori la fidélité de la transduction. On peut également imaginer que cette
disposition facilite également le remplacement du diamant. Il «suffit» de
desserrer la vis de blocage du fil de maintien, et voilà l’ensemble diamant +
levier + bobines proprement désolidarisé du corps de la cellule, sans aucune
intervention destructive.
Deuxième
trouvaille majeure de Transfiguration : positionner les bobines mobiles
dans une zone de champ magnétique la plus uniforme possible. Il est vrai que la
lecture du sillon d’un disque par le diamant et la conduction de ce mouvement
par le levier est un phénomène en lui-même sujet à de nombreux aléas :
variations rapides de la force d’appui (resp. de la force d’antiskating) en
fonction des creux et les bosses (resp. des courbures gauche et droite) de la
modulation, pertes d’adhérence par rapport aux flancs du sillon sur les
passages de grand amplitude, déformation du levier dues à sa propre compliance,
génération de charges d’électricité statique suite au frottements, etc…
Tous
ces phénomènes génèrent de sérieuses non-linéarités et constituent des sources
de bruit nuisibles, qui ne peuvent qu’être communiquées aux bobines. Si de
surcroît ces dernières ne baignent pas dans un champ magnétique parfaitement
uniforme et constant, on imagine les distorsions supplémentaires qui peuvent en
résulter lors de la conversion du mouvement en courant. Une des obsessions constante
de M. Yoshioka est l’obtention de la plus grande constance de ce champ. Pour ce
faire, il s’est assez rapidement détourné des schémas traditionnels, qui emploient
un seul aimant et tentent d’étendre son champ magnétique autour des bobines par
l’ajout de pièces polaires (petits blocs de fer doux, non magnétique à
l’origine). Résultat : un champ magnétique non uniforme, présentant des
variations d’intensité et de direction d’autant plus grandes que l’on s’éloigne
du centre géométrique du système. Au lieu de cela, Transfiguration a travaillé
au façonnage d’aimants annulaires (magnet
A & B), entre lesquels sont disposées les bobines conductrices.
De cette
technologie, M. Yoshioka ne révèle malheureusement pas grand-chose. On sait
néanmoins de que l’aimant néodyme, matériau magnétique le plus puissant que
l’on puisse trouver sur terre (un alliage cristallin de fer, bore et néodyme de
formule Nd2Fe14B), est intrinsèquement très friable et donc
difficilement usinable. Toujours est-il que, sur le papier, la configuration
retenue ici optimise à la fois le rendement du système magnétique et la
linéarité de son comportement. Et les résultats d’écoute semblent bien
confirmer le phénomène.
L’écoute
N’y allons pas
par quatre chemins. Je tente une mise en parallèle qui peut sembler curieuse : tout comme de rares maillons audio de très haut de gamme (je pense en particulier
aux enceintes américaines Magico ou japonaises TAD, ou encore aux meilleures électroniques Nagra), l’impression première qui
se dégage de l’écoute de la cellule Proteus est celle d’une totale
transparence, d’une absence totale de caractère propre et surtout, de distorsion.
On peut même rester surpris tant les premières écoutes bannissent tout côté spectaculaire pour favoriser le naturel de la reproduction instrumentale. Les violons ne sont pas surdéfinis, les clavecins ne ferraillent jamais. Les voix aiguës ne chatouillent pas les tympans : elles charment l’auditeur. Amateurs de hifi clinquante s’abstenir ! Ici, les artefacts parfois – et faussement - associés à ce que doit être une bonne restitution hifi sont curieusement absents. Du coup, la perception, la compréhension des œuvres et des gestes instrumentaux est immédiate, sans intermédiaire ni travestissement. L’image du voile que l’on enlève et qui révèle la vraie nature des choses, si éculée qu’elle soit, prend ici tout son sens.
On peut même rester surpris tant les premières écoutes bannissent tout côté spectaculaire pour favoriser le naturel de la reproduction instrumentale. Les violons ne sont pas surdéfinis, les clavecins ne ferraillent jamais. Les voix aiguës ne chatouillent pas les tympans : elles charment l’auditeur. Amateurs de hifi clinquante s’abstenir ! Ici, les artefacts parfois – et faussement - associés à ce que doit être une bonne restitution hifi sont curieusement absents. Du coup, la perception, la compréhension des œuvres et des gestes instrumentaux est immédiate, sans intermédiaire ni travestissement. L’image du voile que l’on enlève et qui révèle la vraie nature des choses, si éculée qu’elle soit, prend ici tout son sens.
Car,
comme avec les enceintes citées ci dessus, tout caractère électromécanique est
évacué de la transcription. Aussi
satisfaisante pour l'esprit soit elle, ce n'est plus l'impression de fouiller la modulation
inscrite sur un disque qui prime à l'écoute de la Proteus. Mais bien la
disparition quasi complète du support et du système de lecture - tout au moins
pour les disques bien gravés – au seul profit de la musique. Par comparaison,
une telle écoute montre à quelle point beaucoup de cellules, même parmi les
plus performantes du marché, collectionnent les mentions d’excellence sur tel
et tel critère (fermeté du grave, effet de relief sonore, pouvoir d’analyse,
rapidité des attaques), mais sans atteindre cette confondante plénitude et ce côté
infiniment naturel.
Bien soutenue par un bras unipivot Graham 2.2 (qui n’est d'ailleurs ni le meilleur ni le plus cher du monde), lui même confortablement
assis sur une imposante platine Kuzma Stabi Ref, la Proteus affiche une
lisibilité sans faille y compris des passages les plus violement modulés (sur
disques test et... musicaux). Il n’y a d’ailleurs pas la moindre augmentation
apparente de distorsion à mesure que la profondeur de gravure augmente, au
moins jusqu’aux très bonnes valeurs de 80 um en latéral et 100 um en vertical,
une des preuves tangibles du bien fondé de l’approche technique retenue. Pour
autant que les disques lus soient raisonnablement propres, les bruits de
surface sont relégués à un niveau infinitésimal, souvent à peine perceptible
même à niveau d’écoute soutenu.
Avec un préampli à grand gain très silencieux tel que l’Audia
Flight Phono, on illusionne facilement l’auditoire quant à savoir si l’on
écoute un CD ou un vinyle. Je veux parler ici du critère de silence de
fonctionnement et de la dynamique ressentie, terrains sur lesquels la lecture
numérique est, sur le papier au moins, plus performante que l’analogique. Ici, tout débat sur la prétendue supériorité du numérique est évacué en vitesse !
Et sur le plan de la matière instrumentale, du legato, de la souplesse de
restitution, aucun doute n’est permis, nous sommes à 100 % dans le monde de l'analogique. Il sera bien difficile de prendre cette
cellule en défaut, que ce soit avec un enregistrement live de Peter Gabriel, sur
les passages d’opéras wagnériens les plus modulés, ou encore à l’écoute de
belle gravures historiques de jazz. Cette universalité, qui s’accompagne
à la fois d’une impression de matière incroyablement réaliste et d'une si subtile transparence, ne peut être que le fait d’une des
meilleures cellules qui soit !
Caractéristiques constructeur :
Niveau de sortie : 0,2 mV @ 3,54 cm/s et 1 kHz
Résistance : 1 Ohm
Courbe de réponse : 10 Hz - 40 kHz @ + 2 dB
Ecart entre canaux : < 0,5 dB @ 1 kHz
Séparation des canaux : > 30 dB
Compliance : 13 x 10-6 cm/dyne
Poids : 7,8 g
Précaution d'emploi : le montage de cette cellule est sans souci particulier, mais le levier porte-pointe est relativement plus court et fin que celui rencontré sur la plupart des cellules à bobines mobiles, ce qui justifie une attention toute particulière lors de sa manipulation.