Les expérimentations musicales les plus audacieuses ont souvent lieu dans le cadre de l’Ircam, grâce à l’incroyable arsenal technologique qui y a été développé. C’est aussi un des lieux privilégiés d’élaboration des œuvres, des prototypes aux versions finales, où les compositeurs en formation ou en résidence trouvent le support humain et technologique adapté à leurs ambitions créatrices.
Philippe Manoury, enseignant à l’université de Californie de San Diego depuis 2004, n’a pas oublié son pays d’origine ni l’institution à laquelle il a tant contribué et grâce à laquelle il a composé un partie non négligeable de son œuvre. Il est donc régulièrement programmé aux concerts de l’Ircam, dont il fréquente toujours les laboratoires.
Son très attendu Tensio, pour quatuor à cordes et électronique, y sera donné en création mondiale par le Quatuor Diotima, le 17 décembre prochain.
On pourra aussi y écouter respectivement les 6e et 3e quatuors de James Dillon et de Jonathan Harvey.
Adjoindre ou unir l’électronique et les instruments traditionnels conduit à relever plusieurs défis, comme Manoury le soulignait lui-même dans son essai intitulé «Considérations (toujours actuelles) sur l’état de la musique en temps réel» (2007).
Pendant les années 80, Philippe Manoury mena «avec la collaboration du mathématicien Miller Puckette, une série de recherches dont le premier résultat allait être Jupiter, pour flûte et électronique. Cette œuvre, composée en 1987, était la première à utiliser un logiciel suiveur de partition et développait de nombreux principes d’interactivité entre la flûte et les sons de synthèse.».
Par la suite, le compositeur continua d’oeuvrer dans cette voie du «développement de structures musicales électroniques élaborées, dépassant le simple procédé de la transformation passive des instruments, et pouvant être soumises au temps flexible de l’interprète». Car l’une des grandes difficulté de l’exercice est bien la fusion du temps - subjectif - du geste musical de l’interprète humain et celui - très déterministe - de la machine. Manoury l’avouait alors bien volontiers : «Ainsi, ce que l’on a parfois appelé temps réel s’avérait souvent n’être que des séquences musicales pré-composées… que l’on pouvait, certes, démarrer au moment propice, mais dont le contrôle dans le temps nous échappait ».
Par la suite, le compositeur continua d’oeuvrer dans cette voie du «développement de structures musicales électroniques élaborées, dépassant le simple procédé de la transformation passive des instruments, et pouvant être soumises au temps flexible de l’interprète». Car l’une des grandes difficulté de l’exercice est bien la fusion du temps - subjectif - du geste musical de l’interprète humain et celui - très déterministe - de la machine. Manoury l’avouait alors bien volontiers : «Ainsi, ce que l’on a parfois appelé temps réel s’avérait souvent n’être que des séquences musicales pré-composées… que l’on pouvait, certes, démarrer au moment propice, mais dont le contrôle dans le temps nous échappait ».
Depuis lors, les techniques ont encore évolué, notamment dans le domaine des capteurs de mouvement de la gestuelle musicale, et ont permis à de nombreux compositeurs de développer, de raffiner le concept d’interactivité entre les instruments traditionnels et l’électronique. On pourrait citer comme exemple, pour rester dans le domaine du quatuor à cordes, la pièce StreicherKreis de Florence Baschet, dont nous avions rendu compte dans ces colonnes.
Avec Tensio, Philippe Manoury risque donc de nous entraîner plus loin sur le terrain des interactions contrôlées entre les protagonistes du quatuor, en superposant texte réel et partition virtuelle. Ceci afin de réduire la «grande résistance à la réunion des musiques acoustiques et électroniques dans un temps musical commun». Cette frontière semblait encore trop souvent opaque à Philippe Manoury lorsqu’il écrivit son essai. Le concert du 17 nous permettra de constater si le compositeur est parvenu à la dissolution complète de cette limite.
Le concert sera précédé, à 19 h au Studio 5 de l’Ircam, de la projection du documentaire «Image d’une œuvre n°10» consacré au quatuor à cordes de Philippe Manoury.
Entente cordiale
Crédit photographique (P. Manoury) : Philippe Gontier