SSB : Stéphane Even, vous êtes connu pour prêter une très grande attention à des phénomènes parfois qualifiés d'ésotériques !
SE : Oui, je suis aussi allé voir Pierre Johannet, qui s’intéressait à des phénomènes physiques auxquels personne ne prêtait attention, mais qui étaient selon lui grandement responsables de l’absence de musicalité des systèmes audio. Car en tant que concepteur je rencontrais des phénomèmes incompréhensibles, et je tombe toujours sur des choses invraisemblables ! Par exemple : pour faire fonctionner les systèmes que nous avons ici en démonstration au Hameau Duboeuf, j’ai inséré des pièces de monnaie (5 et 10 centimes d’€) sous les les pointes des meubles, parce que l’on a un parquet flottant : et on entend très nettement la différence avec et sans ! La hifi est encore un domaine mystérieux, où l’on ne comprend pas tout, en la matière le plug & play n’existe pas !
Ce qui me distingue peut être d’autres fabricants, c’est que j’essaie de bâtir un modèle physique cohérent avec toutes ces observations. Je lis beaucoup, je m’intéresse aux gens qui font des accessoires (OSH et autres dispositifs soit-disant quantiques), il y toujours quelque chose à glaner. Il y a l’influence des câbles bien sûr, qui est très importante, des supports… L’air dans la pièce ne semble pas anodin non plus (humidité, température). Lorsqu’il n’y a pas eu de musique depuis longtemps dans une pièce, en général, elle sonne mal !
SSB : Et il y a aussi… les fameux électrons chauds !
SE : C’est vrai, ma recherche est aussi axée sur la manière dont les électrons se déplacent dans les conducteurs. C’est évidement très difficile à caractériser et à mesurer, mais on admet généralement que les électrons se déplacent très lentement dans les métaux. De l’ordre de 0,01 mm/s, dans une section de cuivre d’un mm2 soumise par exemple à un courant d’un ampère. C’est un mouvement d’ensemble, mais extrêmement lent. Ca, c’est la théorie.
L’expérience en hifi tendrait plutôt à prouver que la réalité est toute différente ! J’ai donc émis l’hypothèse qu’il y avait des électrons «chauds» plus excités que les autres, qui perturbent le fonctionnement des systèmes audio. Mais l'invention des électrons chauds n'est pas de moi, on peut trouver beaucoup de littérature sur le sujet. Ces électrons sont comme des chauffards sur une autoroute. Ils sont par exemple responsables de la destruction des semi-conducteurs. Et ils sont probablement générés par la mauvaise qualité des contacts électriques. Je le constate tous les jours… Le simple remplacement d’une prise murale oxydée par une neuve apporte souvent une différence considérable !
Dans le cas de connecteurs de mauvaise qualité ou mal entrenus, le contact se fait de manière aléatoire, et s’il on observait ce qui se passe au microscope électronique, on verrait de micro-arcs électriques qui se forment à cause des barrières isolantes. Ce sont ces électrons qui se sont arrachés au métal qui produisent un flux perturbant. Le meilleur système du monde alimenté par une prise électrique murale oxydée sera jugulé dans ses performances. Et cette oxydation est même favorisée par le passage du courant. Je ne connais pas de câble qui soit capable de filtrer cette chose là… Il vaut mieux l’éviter à la source !
Et question entretien, on peut tout simplement passer régulièrement un chiffon humecté de Mirror ou un morceau papier sec sur tous les connecteurs de la chaîne hifi. Naturellement, le cuivre est rose. Or souvent il est marron, c’est qu’il est très oxydé. Le laiton est couleur or, on voit aussi très facilement s’il est oxydé. Et il faut absolument éviter le câble nu que l’on tortille (directement avec les doigts en général !) et que l’on insère dans le bornier des amplis et enceintes. Rien ne vaut une bonne soudure et des connecteurs triés sur le volet, à l’écoute. J’ai d'ailleurs sur mon bureau plusieurs centaines de fiches bananes dorées qui ne sonnent pas du tout, dont il va falloir que je me débarasse !
Chez Néodio, on trouve des cables, des prises et barettes secteur correctement étudiés, et qui font 20 % de notre chiffre d’affaire. La barette secteur est souvent le parent pauvre d’une installation. Lorsqu’elle est bien choisie et bien dimensionnée, le son est libéré, comme avec notre barette PW1. Les amateurs remettent assez vite en cause les performances de leurs électroniques, mais il faut d’abord faire l’essai d'une bonne barette, et le son s’épanouit. Les cables que nous faisons ne ressemblent à rien que je connaisse. Nous utilisons des matériaux peu courants, dans une conception très originale.
SSB : Y a-t-il d'autres moyens, économiques, d'améliorer la restitution du système ?
SE : S'il faut soigner le câblage, les supports, il faut aussi essuyer les appareils ! Dans ce cas, ce sont plutôt des effets chimiques qui sont en jeu, des particules se déposent à la surface des appareils, sur les membranes des haut-parleurs. Les essuyer de temps en temps apporte souvent une amélioration très spectaculaire. Cela dit, il reste difficile de construire un modèle physique englobant tous ces phénomènes et de définir à coup sûr le moyen de lutter contre eux. Car le problème n’est pas très clairement posé : moyens de pertubation et cible perturbée ne sont même pas toujours correctement identifiés !
Prenez la géo-biologie, par exemple. Elle tente de définir justement comment les lieux de travail et de vie influent sur notre santé. J’utilise certaines de ses découvertes. C’est frustrant, mais il est est finalement assez difficile de maintenir sur le long terme les conditions d’une écoute optimale, comme j’en fais l'expérience une petite dizaine de fois dans l’année peut être, avec du matériel que j’ai construit et mis en œuvre moi-même. On a alors la sensation que les haut-parleurs fonctionnent à 100 %, et que leur défauts sont très secondaires. On ressent vraiment la musique, les musiciens sont là. Lorsque tout est sublime, il y a bien une explication à cela, et cela rencontre de nombreux domaines de la physique, de la biologie. C’est ce que j’essaie de reproduire le plus possible. Je n’y parviens pas forcément, mais à chaque nouvelle invention, je me rapproche de cet idéal, qui à souvent tendance à s’échapper comme une savonnette ! C’est très frustrant. On a parfois envie de tout lâcher !
SSB : à vous entendre, l'installation est aussi importante que le matériel en lui-même...
SE : C'est vrai, et la hifi est problématique, car nous avons une vraie promesse de résultat à délivrer ! Or il faudrait transmettre aussi notre savoir faire de mise œuvre, peut-être en nous impliquant davantage, nous les construteurs, dans l’acte de vente. Ou en allant directement chez les clients, ce qui en pratique est quand même difficile à réaliser... Car je suis sûr que les appareils que je fabrique ne sont exploités qu’à 70 ou 80 % de leur performance !
SSB : Vous portez également une attention particulière à l’intégrité mécanique de vos produits.
SE : Sur la génération NR, nous avons repensé, en tenant compte de fortes contraintes d’implantation, les mécaniques, les coffrets des appareils. Une bonne mécanique ne résonne pas, présente une bonne capacité à évacuer les vibrations.
Pour ça, on utilise pour un même appareil des matériaux différents : l'aluminium, l'acier, des matériaux visco-élastiques, du liège, du plexiglas, du velcro, et même des adhésifs double face. Chaque pièce est éudiée en fonction de l’évacuation de ces vibrations, selon une approche empirique mais fortement enrichie par l’expérience. Les pieds de nos appareils sont semi-flottants, ils ne sont pas fixés de manière rigide sous le châssis mais via une butée à bille qui constitue une sorte de découplage.
On marrie ces matériaux pour avoir des pics de résonnance moins marqués. Il faut faire attention aux effets microphoniques, à la captation des vibrations de la pièce par les capots des appareils eux-mêmes et à leur réinjection vers les enceintes ou la ligne d’alimentation. Nos faces arrières sont en sandwich plexi-alu, ce qui permet de découpler les connecteurs les uns des autres…
Pour ça, on utilise pour un même appareil des matériaux différents : l'aluminium, l'acier, des matériaux visco-élastiques, du liège, du plexiglas, du velcro, et même des adhésifs double face. Chaque pièce est éudiée en fonction de l’évacuation de ces vibrations, selon une approche empirique mais fortement enrichie par l’expérience. Les pieds de nos appareils sont semi-flottants, ils ne sont pas fixés de manière rigide sous le châssis mais via une butée à bille qui constitue une sorte de découplage.
On marrie ces matériaux pour avoir des pics de résonnance moins marqués. Il faut faire attention aux effets microphoniques, à la captation des vibrations de la pièce par les capots des appareils eux-mêmes et à leur réinjection vers les enceintes ou la ligne d’alimentation. Nos faces arrières sont en sandwich plexi-alu, ce qui permet de découpler les connecteurs les uns des autres…
Sur notre lecteur CD NR 22, cette chasse aux vibrations nous a même fait opter pour une horloge sans quartz, un oscillateur analogique à 25 MHz. Car le quartz est microphonique c’est même pratiquement son pricipe de fonctionnement ! Et dans un lecteur, il y a des vibrations, puisqu’il y a une mécanique. C'est là que l'on voit que le problème n’est pas tant la stabilité fréquentielle de cette horloge. Lorsque l’on remplace le quartz par le circuit d'horloge que nous avons conçu, le niveau de stress descend, on récupère des arrière-plans sonores qui n’apparaissaient pas avant, et beaucoup plus de fluidité... La restitution est nettement plus analogique. Les gens nous le disent : "On dirait une lecture vinyle !". D'accord, ce circuit est moins précis qu’un quartz, mais dans la bande audio il reste parfaitement stable, et sa supériorité sonore est évidente ! De plus il n’y a aucun jitter induit dans le circuit, vue la grande proximité de ce circuit et de l’upsampler situé à deux centimètres de l’horloge.
SSB : Stéphane, quels nouveaux projets de développement avez-vous dans vos cartons ?
SE : Aujourd'hui, notre gamme comprend 11 électroniques. Nous voudrions y ajouter des serveurs multimédia. Mais nous souhaitons surtout étendre notre footprint à l’étranger : nous sommes depuis peu présents en Allemagne, Angleterre, Belgique, Etats-Unis… il faut continuer. Nous voudrions également développer à la fois le très haut et l’entrée de gamme, afin de convaincre des clients qui ne sont pas des audiophiles purs et durs. Sans doute grâce à des produits de convergence multimédia/hifi…
SSB : Et l'amplification numérique ?
SE : Pour moi, c'est une technique très adaptée à l’autoradio ou aux installations home-cinema compactes. Mais en hifi de qualité, cette technologie est un peu un leurre… Son réel avantage est qu'il est possible de loger un ampli de forte puissance dans un paquet de cigarettes. Mais est-ce vraiment utile dans le cadre d'une installation de salon ? A quelques rares exception près, le registre médium aigu reste contraint, simplifié. Les timbres sont moins beaux, la musique est moins fluide. Je crois savoir également qu’il existe des problème de fiabilité dans l’amplification en classe D, qui exige un réglage très pointu de l'instant de commutation des transistors de sortie...
SSB : Merci Stéphane pour cette abondance d'informations !
SE : Merci à vous d'être venu jusqu'au Hameau !