Il faut certainement s'appeler Peter Gabriel pour se payer le luxe de sortir un album uniquement composé de reprises, et que celles-ci transcendent toutes - mais sans les trahir ni les rendre anecdotiques pour autant - les versions originales ! Il faut aussi une bonne dose d'humour pour intituler cela «Gratte-moi le dos». D'humour, ou plutôt de malice, si l'on s'en tient à la traduction de l'expression anglaise complète. «Scratch my back (and I'll scratch yours)» : je te revaudrai bien ça un jour... qui fait allusion à l'échange de titres auxquel se sont prêtés PG et les artistes qui l'ont inspiré pour ce disque.
Pour être tout à fait exact, l'exercice n'est pas tout à fait unique dans l'univers de la musique pop/rock. Mais selon moi, s'il on met à part le sublime StrangeLittleGirls de Tori Amos et le déjà très ancien Pinups de David Bowie, peu d'artistes on placé la barre aussi haut que PG avec son dernier album (qui soit dit en passant, tranche singulièrement avec la pauvreté du précédent Big Blue Ball, espèce de fourre-tout de sessions d'enregistrement Real World du début des années 90).
C'est une relecture rigoureusement classique de ces morceaux que nous offre le magicien anglais, accompagné des très acoustiques London Scratch Orchestra dirigé par Ben Foster, Hungarian Orchestra de Péter Pejtsik et Choir of Christ Church Cathedral Oxford conduit par Clive Driskell-Smith.
On pourrait disserter à l'envi sur la beauté de la version de «Heroes», qui ouvre l'abum, sur la somptueuse reprise de «Listening Winds» de Talking Heads, la saisissante interprétation de «My body is a cage» d'Arcade Fire, la poignante relecture de l'«Après moi» de Regina Spektor. Mais tout cela serait finalement bien vain ! Il faut juste écouter cet album... Sans céder aux sirènes du marketing musical, ce disque est tout simplement indispensable, et ce n'est pas Thom Yorke ni ses acolytes de Radiohead qui me contrediront.
Et comme un bonheur n'arrive jamais seul, il faut souligner l'exceptionnelle qualité d'enregistrement du disque et la pureté de la voix de Peter Gabriel, magnifiée ici par l'utilisation de micros Brauner, qui comptent parmi les meilleurs du monde.