mardi 30 mars 2010

6e Festival PRESENCES électronique



Le son se sculpte aussi !

Cela fait bien des années que le Groupe de Recherches Musicales de Radio France, fondé en 1958 par Pierre Schaeffer, donne à entendre les résultats de ses travaux, diffuse les pièces composées par les artistes qu'il accueille dans ses studios, et poursuit par ailleurs une politique de création de logiciels et d’outils spécialisés (GRM Tools, Acousmographe, CD Rom didactiques…).

Depuis cinq ans, le GRM – qui a rejoint l'Institut National de l'Audiovisuel en 1975 - organise, en marge du festival Présences de Radio-France, la manifestation PRESENCES électronique, dont la 6e édition se déroulait les 26, 27 et 28 mars derniers au Centquatre, ce «nouvel» établissement artistique de la ville de Paris, ouvert à la création contemporaine la plus pointue, et ce dans pratiquement tous les domaines.

Ce sont des raisons «logistiques» qui ont initialement amené les instigateurs de ce festival à se délocaliser au 104, en raison des travaux qui devaient avoir lieu à cette période dans la salle Olivier Messiaen de la maison de Radio France. Mais ainsi, cette édition hors les murs a sans doute bénéficié de la visite d'un public élargi, comme en attestaient les longues files d'attente aux différents concerts (tous gratuits) de cette manifestation. Tout comme elle a pu profiter de l’existence en ce lieu de très grandes salles à la hauteur de déploiements électro-acoustiques exceptionnels.


Signal sur bruit en a fait une visite guidée par Philippe Dao, responsable technique du festival, et à défaut de sons, en revient avec quelques images et informations...





C'est tout d'abord l'Atelier 4 qui s'ouvrait au public pendant ces trois jours, pour les premières sessions d’écoute de 16 h, avec au programme des oeuvres de Karlheinz Stokhausen, François Bayle - qui fût lui même directeur du GRM, ici à droite - et Luciano Berio. L’occasion de redécouvrir des pièces historiques de la musique concrète et électronique, et de constater que Stockhausen, l’autre pionnier de la musique électronique outre-Rhin, fût actif dans ce domaine jusqu’en 1992.

Dans cette immense salle se déployait un dispositif multicanal constitué d'un maillage de quelques 22 points de diffusion : des enceintes traditionnelles de sonorisation (115 XT amplifiées de chez L-Acoustics) disposées sur pieds, posées au sol ou suspendues le long des murs (définissant ce que les ingénieurs du GRM appellent «le cube»). Nous y retrouvions également les historiques boules Elipson BS 40, précieusement conservées par le GRM pour leur rendu acoustique enrobé si particulier (image d'introduction).

En hauteur, un réseau d’enceintes Elipson Planet L dernier cri, et de quatre diffuseurs sonores encadrant la régie. Les Planet embarquent un haut-parleur coaxial professionnel à haut rendement d’origine PHL (présentant une plus grande dynamique que le modèle haute-fidélité équivalent), et ont été repensées en étroite collaboration avec Elipson de manière à pouvoir être suspendues.

Ce système de haut-parleurs était amplifié par deux amplificateurs numériques Lab Gruppen (marque suédoise de matériel professionnel appartenant au même groupe industriel que Tannoy), référence C20 2.8 X (qui embarquent 8 canaux de 250 W, suffisants compte tenu du haut rendement des tranducteurs utilisés), reliés par lien Ethersound à la table mixage Yamaha de la régie centrale.


Les oeuvres multipistes (numérisées ou numériques d'origine) étaient stockées sur Mac Book Pro et lues par le logiciel Digital Performer. Pour des raisons de stabilité logicielle, Philippe Dao avait préféré faire appel une carte externe RME assurant la conversion Fire-Wire 800 (port de sortie du Mac Book Pro) vers le format ADAT accepté par la console Yamaha, ses modules d’interface Fire-Wire étant moins bien gérés par les drivers du système d’exploitation MAC OS.



Le public était invité à s'asseoir ou à s'allonger à même le sol, sur des matelas de mousse en libre–service, les projections sonores se déroulant dans une obscurité quasi-complète, comme pour un vrai happening ! C'est donc une expérience d'immersion sonore totale qui était proposée, dans le cadre d'un espace «non-polarisé» où l'abondance de sources sonores donnait à entendre de beaux effets de spatialisation et de circulation du son.

Les concerts de 18 h se déroulaient dans la salle 200, plus intime, et sonorisée d'une manière presque conventionnelle (8 canaux de diffusion). 


Elle a d'abord accueilli Robin Rimbaud, alias Scanner, pour un set de musique électronique plutôt planante, pilotée une fois encore par un Mac Book Pro équipé du séquenceur Live  et de quelques surfaces de contrôle.




L'arme fatale du sound performer : un Mac Book Pro, Live d'Abbleton et un Tenori-On de Yamaha



Samedi 27, c'était le trublion américain (et presque parfaitement francophone) Charlemagne Palestine qui y fit chanter des verres emplis d'un bon cognac, avant de se lancer - non sans avoir sifflé les verres en question - dans une performance pianistique minimale, percussive et au final tout à fait hypnotique.

Charlemagne Palestine se dirige vers son piano

Enfin, le dimanche, c'est la vocaliste de l’extrême Catherine Jauniaux et eRikm (aux platines) qui investissaient les lieux pour une performance bruitiste - et un peu répétitive quand même – mais qui produisait quelques moments de grâce (une sorte de remix orageux et craquant de l'intro d'«Also sprach Zarathustra», une irrésistible saynette finale basée sur un texte délicieusement absurde de Vassily Kandinsky).


Suite du festival





6e Festival PRESENCES électronique - suite


A 20 h, la grande salle 400 (en gradins) programmait des oeuvres composées ou des performances improvisées d’artistes de toutes les générations : le père spirituel Pierre Schaeffer, et certains de ses (petits ?) enfants terribles que sont David Fennesz, Ake Parmerud ou encore Kasper T. Toeplitz étaient représentés. 

Le dispositif de diffusion reprenait ici le principe de l'Acousmonium, orchestre de hauts-parleurs largement déployés sur scène et dans la salle (sur les côtés et en hauteur), constitué de quelques 28 transducteurs et 22 canaux de diffusion indépendants -  qui furent totalement utilisés par Robert Normandeau pour sa pièce «StrinGBerg», remixée de 8 à 22 canaux pour la circonstance.


Dans le détail, on retrouvait dans cette installation démesurée une pléthore de transducteurs, dont des enceintes de sonorisation Meyer Sound CQ1 (actives) et des petits cubes A2T C2828 (également auto-amplifiés, disposés en cluster au dessus de la scène, ou encore suspendus en douche au dessus du public). Ces enceintes professionnelles sont équipées du même HP coaxial large bande que les Elipson Planet du studio 4. Mais aussi, sur la scène, d’imposants caissons de grave Meyer 650P, une paire d’immenses colonnes composées de deux Klipsh RF7 (image ci-dessus), d'antiques Elipson Etoile  (au second plan) et une nuée d’enceintes de monitoring type JBL 4430.

Ce système était alimenté en signal par des fichiers multipistes Digital Performer lus sur un Mac Book Pro suivi d’une interface Fireface 800 et de la Console Yamaha PM5D, utilisée pour ajuster les niveaux relatifs de chaque voie d’amplification pendant les diffusions. Le signal numérique préamplifié était enfin emmené vers les amplificateurs situés en fond de scène via une liaison MADI sur fibre optique après conversion ADAT-MADI. 

Un premier rack compact d’électroniques abritait les convertisseurs MADI-ADAT et des convertisseurs ADAT-Analogique modèle Apogee DA16X. Un second rack renfermait ici encore des modules d’amplification Lab Gruppen C20 2.8 X.

Ce voyage au cœur des phénomènes sonores s'achevait dimanche soir avec la projection de deux œuvres électro-acoustiques, et de trois performances live.

Daniel Terruggi préparant sa diffusion octophonique

Avec ses «Transmutations», Daniel Terruggi donnait à entendre une œuvre au parti pris très naturaliste, d’une grande pureté sonore, et qui tirait pleinement parti du dispositif exceptionnellement ample. La pièce s'ouvrait sur un ressac spatialisé qui submergait littéralement l'auditeur et se concluait par une sorte d' «Etude aux allures» puissante et effrénée. Dans l’intervalle, on avait assisté à l’étonnante transmutation de quelques pelletées de terre et de cailloux en une forme dense de métal rayonnant. Suivait Bruno Letort et ses «Fables électriques», qui se déployaient en une grande fresque plutôt sereine mais d’esprit très rock, alternant les samples de guitare électrique. Giuseppe Ielasi nous entraînait ensuite dans une plongée à la progression délicate au cœur d’un bruit corpusculaire, qui irradiait bientôt un foisonnement de micro-mélodies finement rugueuses appuyées par une enveloppante et profonde pulsation.

Dirons-nous que la seconde partie du concert fut plus… ésotérique ? Les «Trois morceaux en forme de poire» de Satie relus par Stephan Mathieu et Akira Rabelais nous laissaient un peu perplexes du fait de leur immobilisme et dépouillement poussés à l'extrême, tandis que Kasper Toeplitz tentait pour conclure le concert de saturer l’auditorium (et par là-même les oreilles du public) d’une longue séquence d’extrême grave monolithique basculant soudain dans un registre sauvagement aigu. Certes, même les meilleures enceintes peuvent produire de la distorsion, et générer des phénomènes sonores erratiques qui ont leur propre signature. Mais ça, nous le savons déjà depuis un moment…



Les amateurs d’electronica peuvent se réjouir, car la saison s’annonce riche en manifestations. La 6e convention Qwartz des musiques nouvelles se tiendra en effet vendredi 2 et samedi 3 avril au Palais de la Bourse. On y retrouvera des projections sonores et tables rondes organisée par le GRM.

Vendredi 9 et samedi 10 avril, la Brigade d’Intervention Musicale et Sonore d’Eric Groleau et Thierry Balasse, phalange affiliée à La Muse en Circuit, embauche des élèves de plusieurs conservatoires du Val de Marne pour deux concerts électro-acoustiques au Conservatoire Marcel Dadi de Créteil.

Les 8 et 9 mai, les 26 juin et 27 juin, poursuite des 32e Multiphonies GRM avec les concerts Live électronique et Akousma à l'Auditorium Olivier Messiaen de la Maison de Radio France.

Enfin, du 12 mai au 5 juin, la même Muse en Circuit organisera Extension, son 10e festival de création musicale contemporaine (à Paris et en proche banlieue), manifestation riche de concerts instrumentaux, mais aussi en œuvres mixtes ou plus purement électro-acoustiques.

Sans oublier, du 7 au 19 juin, le festival Agora de l'Ircam, qui abordera cette année le thème des prototypes en art (voir l'annonce déjà publiée).


Signalons en outre que différents lieux de la ville de Nanterre accueillent Planètes Musiques 2010 du 8 au 11 avril, qui se présente comme un festival de nouvelles musiques traditionnelles, mais dont l’électronique n’est pas tout à fait absente.


Et pour approfondir le sujet, Signal sur bruit recommande l'excellente somme Modulations, une histoire de la musique électronique, aux éditions Allia, dont la 3e édition a parue début 2010, élaborée par un collectif d’auteurs anglo-américains. Un ouvrage assez complet, fourmillant d’anecdotes et de suggestions d’écoute, de citations et d’interview de compositeurs (et non des moindres). Le propos est bien documenté, et est rédigé dans une langue percutante et décontractée.



Post-scriptum d’importance : Le monde de l’electronica, de la musique concrète et de l’électro-acoustique est évidement un domaine d’excellence des technologies numériques, et un terrain de prédilection pour la «young, playful and digital generation». Cela sonne-t-il définitivement le glas de l’analogique ? Pas sûr et c'est tant mieux ! Je restitue un propos échangé entre deux jeunes gens pendant l'entracte de la soirée de dimanche : «Dis donc, j’ai téléchargé des vinyl-rip des Beatles sur le net… Trop cool ! Ce n'est pas aussi bon que le vinyl mais c'est bien meilleur qu'un CD… ».

Du point de vue sonore, la décennie 2010 semble plutôt bien s’annoncer, finalement.


L'auteur remercie chaleureusement Philippe DAO pour sa disponibilité pendant cette manifestation.


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dimanche 28 mars 2010

Agora 2010 - le festival de l'Ircam



La nuit du prototype

Après l’annonce de la nouvelle saison artistique de la Cité de la musique placée sous le signe des utopies, l’Ircam annonce sa désormais rituelle manifestation Agora, qui du 7 au 19 juin prochains explorera le concept de prototype. Plus que jamais, l’argument est bien pour l’Ircam d’organiser une manifestation fédératrice, susceptible d’attirer un public large, autour de moments d’exception propices à la création. Mais aussi d’œuvrer à la dissémination des œuvres créées en son sein.

Pour Frank Madlener, le temps d’un festival doit être un moment d’ouverture sur vers l’avenir, et garder tout à la fois une valeur de chronique du temps présent. Le thème du prototype permet d’illustrer le passage déterminant de l’imaginaire et des esquisses préalables au modèle opérationnel qui démontre sa viabilité. On nous propose ainsi d’assister au glissement progressif du désir créateur, qui mène du modèle théorique aux premières ébauches de laboratoire, et enfin à l’exhibition du prototype dans la société (nous éviterons la tournure «lancement sur le marché» !), susceptible d’être ensuite assimilé par un nombre croissant de créateurs.

La notion de reprise est d’ailleurs mise en avant dans Agora 2010. Car, si susciter la création d’œuvres nouvelles embarquant des technologies inédites est un objectif motivant en soi, il n’y a pas de plus grande satisfaction, pour les auteurs et pour leurs commanditaires, que de voir ces œuvres programmées par la suite dans d’autres salles et manifestations que celles qui ont servi de contexte à leur baptême.

Agora 2010 déploiera un programme riche en temps forts et en partenariats qui devraient contribuer à démocratiser davantage l’image un peu secrète, voire élitiste, de cet institut de recherche très actif au sein de programmes de scientifiques européens et internationaux.

S’y côtoieront des figures habituées de l’Ircam (les compositeurs Jonathan Harvey, Tristan Murail, Michael Jarrell) et des artistes invités qui n’avaient jusqu’à présent jamais investi les lieux ni utilisé les techniques élaborées à l’institut. Tel le compositeur Gérard Pesson, qui n’en revient toujours pas de faire partie de cette programmation, et dont on créera la dernière œuvre «Cantate égale pays». © photo C. Daguet / Editions Henry Lemoine

Le plasticien Sarkis offrira sa relecture du «Roaratorio» de John Cage, créé à l’Ircam en 1981.

En fin de festival, Odile Duboc chorégraphiera les «Partitas» de Bach et le «Dialogue de l’ombre double» de Pierre Boulez. Mais Agora 2010 se déploiera également hors les murs : à la Cité des Sciences et de l’Industrie, au Théâtre de l’Athénée, et pour la journée de clôture qui se déroulera en partie place Igor Stravinsky. © photo Julien Attard

Sous le vocable de Méridien Science Art Société, c’est un peu le paradigme de la création scientifique et de sa difficile médiatisation qui est illustré. L’Ircam et la Cité des sciences et de l’industrie programmeront ensemble deux installations : «Grainstick» et «Mortuos Plango, Vivos Voco». Cette dernière installation vidéo repose sur l’œuvre «historique» de Jonathan Harvey, conçue à l’Ircam en 1980, et qui résonne aujourd’hui comme un hymne symbolique des développements Ircam de l’époque.

Le mardi 8 juin, soirée exceptionnelle à la Géode, qui verra la projection de deux films-documentaires : «Mutations of matter», sur une musique du compositeur chilien Roque Rivas, et «Helicopter String Quartet» de Karlheinz Stockhausen, qui retrace l’odyssée de cette invraisemblable pièce pour quatuor à cordes et véritable rotor d’hélicoptère. © photo H. Vielz/ Archive Stockhausen for music


Trois concerts seront par ailleurs consacrés à l’œuvre de Tristan Murail, figure désormais séminale dans la musique d’aujourd’hui, pour pas moins de six œuvres, dont la création nationale des «Sept paroles».

«Le père», sorte de théâtre musical et technologique de Michael Jarrell, bâti sur la pièce éponyme de Heiner Müller, rassemblera en fin de festival les percussions de Strasbourg complétées d’un ensemble vocal. Ce spectacle mis en scène par André Wilms sera donné au Théâtre de l’Athénée, et fera appel au dispositif WFS de spatialisation sonore que l’Ircam exploite depuis quelques années. © photo C. Daguet / Editions Henry Lemoine

Et en clôture donc, le samedi 19 juin, la Nuit du prototype – sorte de fête de la musique avant l’heure – investira la place Stravinsky dès 16 h avec les Percussions de Strasbourg interprétant les «Pléiades» de Xenakis. Ce long après midi intérieur/extérieur à l’Ircam sera ponctué de démonstrations scientifiques sur le thème voix, geste et interaction temps réel, de projections et de concerts où figureront encore Stockhausen, Georges Aperghis, ainsi qu’une nouvelle œuvre pour électronique très attendue de Philippe Manoury.

L'Ircam et la fontaine Stravinsky, arrêtée en hiver,
mais qui de nouveau jaillit au retour du printemps !

Comme nous le soulignons par ailleurs, ce printemps 2010 est riche en événements musicaux où la technique représente une composante majeure, et qui tentent de s’ouvrir à un public non spécialiste. Programme à consulter en ligne.



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lundi 22 mars 2010

Saison 2010 - 2011 de la Cité de la musique



Les Utopies

Fidèle à leur habitude, Laurent Bayle et son équipe de direction conviaient jeudi 18 mars le public de la Cité de la musique à découvrir les principaux éléments du programme de la saison prochaine. 

Il faut saluer ce type d'initiative, surtout lorsque l'exercice est pratiqué de manière claire, concise mais ouverte, comme c'était le cas ici.

Ce rendez-vous était tout d'abord l'occasion d'établir un rapide bilan de santé de la Cité, du point de vue de la fréquentation du public. Les deux dernières saisons (2008/2009 et 2009/2010) s'avèrent très satisfaisantes, les meilleures même jamais enregistrées depuis l'ouverture du lieu. Le nombre d'abonnements souscrits est en constante augmentation, le Musée de la musique revendique ses quelques 200 000 visiteurs annuels, et le site internet de la Cité a attiré un million de visiteurs en 2009 !

La prochaine saison 2010/2011 sera donc placée sous le signe des utopies. Mais elle reste tout d'abord très concrètement accessible au jeunes et aux très jeunes, à travers des concerts éducatifs où les familles sont les bienvenues, une programmation spécifique de spectacles, et grâce aux différents salons de musique et ateliers pratiques (dont un dédié à la découverte de la guitare électrique !) qui sont ouverts au jeune public. A noter, en juin 2011, la restitution d'une initiative de tutorat où de jeunes musiciens auront pu côtoyer des membres du London Symphony Orchestra. 


Pour les plus âgés, signalons les ateliers de Gamelan javanais, de percussions du monde arabe, de Cuba, des DOM-TOM, de Steelband caraïbe, de Tabla d'Inde du nord et de musique Wolof sénégalaise. Ainsi que les deux volets de Studio Son (Du son à la composition, Musique et environnement), ateliers de création sonore et d'introduction aux outils informatiques.

D'une manière générale, la Cité de la musique poursuit sa politique d'ouverture programmatique qui devrait une fois encore attirer un public très varié. De nombreuses séances de Zoom sur une oeuvre, Forums, Citéscopies et autres Collèges permettront d'ailleurs au spectateur de se préparer à l'écoute d'un concert ou de découvrir un courant ou un artiste majeur. L'accès libre à la médiathèque et à son important fonds permet en outre d'approfondir de nombreux sujets.

La musique contemporaine est bien entendu présente, avec notamment l'Ensemble intercontemporain (image ci-dessus) qui assurera quelques 16 concerts, dont 5 de musique de chambre. Six créations mondiales seront au programme de la nouvelle saison. Mais on y entendra également l'Orchestre du conservatoire national supérieur de Paris (tout proche), l'Orchestre Philharmonique de Radio-France, l'Orchestre National d'Ile de France, ainsi que l'Orchestre de Paris, qui commencera à prendre ses quartiers avenue Jean Jaurès, en prévision de l'ouverture de la Philharmonie de Paris en 2013.

Quatre festivals majeurs viendront ponctuer cette saison 2009/2010 : Days Off,  un festival de musiques actuelles (rock, electro), du 3 au 10 juillet prochains. On y annonce déjà la présence de Peter Doherty, Divine Comedy, Sean Lennon et Emilie Simon. Puis ce sera la rentrée avec Jazz à la Villette, du 31 août au 12 septembre, Villette Sonique et la très riche Biennale d'art vocal en juin 2011.

Le thème central des utopies permettra de rassembler des oeuvres porteuses de l'idée d'un ailleurs ou d'un avenir que l'on imagine souvent riches de promesses, mais aussi d'aborder l'influence des totalitarismes dans la création artistique et musicale en particulier. 

Les deux cycles de concerts et l'exposition "Lénine, Staline et la musique" permettront à ce titre de mettre en regard les musiques "officielles" et les tentatives de résistance au dogme. Schostakovitch et Prokofiev seront bien entendu deux figures importantes de cette programmation, qui proposera également un choix de ciné-concerts, un volet consacré au musiques de ballets russes (début octobre) et un cycle consacré aux "musiciens de Bertold Brecht" (début novembre). 

Le rêve américain et son utopie libérale, beaucoup plus individualiste et éprise de liberté sera également abordé à travers une pleiade de compositeurs : Adams, Reich, Glass, Copland, Ives, Cage, Crumb, Cowel, Barber, Bernstein. Tout comme le grand mouvement du pacifisme. Les prophéties et le messianisme dans la musique seront notamment illustrés par des oeuvres de Wagner, Berlioz et Haendel. Des héros tels que Prométhée, Icare et Bellérophon seront célébrés. Le Sénégal, l'Ethiopie et leurs mythes seront mis à l'honneur fin octobre 2010 et début février 2011.

On ne peut évoquer les utopies sans faire un indispensable détour par la science-fiction (collaboration Enki Bilal/Goran Vejvoda, premiers films d'anticipation de Fritz Lang et de Richard Fleischer), par la complémentarité réel/virtuel, ou sans évoquer certaines visions d'art total - telle que celle imaginée en 1928 par Moussorgski et Kandinsky. Enfin, signalons les soirées qui mettront en perspective les engagements religieux d'un Franz Liszt et politiques d'un Luigi Nono (début mars 2011).

En marge de cette programmation thématique, des concerts "intervalles" permettront de retrouver des personnalités d'exception de la musique : Maria-Joao Pires, John Eliott Gardiner, Joshua Bell, Lang Lang, Alfred Brendel, Menahem Pressler, Steve Coleman, Pierre-Laurent Aimard...


Dans un registre musical tout différent, les prêtresses rock que sont Nina Hagen et Patti Smith  - qui sera notamment accompagnée, entre autres musiciens, de Philip Glass en personne -  ainsi que l'inclassable formation allemande Einstürzende Neubauten seront également du voyage vers les utopies. Sans oublier un très original hommage à Georges Brassens en quatre dates et une longue exposition.


On se reportera évidemment à la récente brochure de saison 2010/2011 et au site de la Cité de la musique pour prendre connaissance en détail de cette réjouissante profusion culturelle.



Images recueillies sur les sites de la Cité de la musique et de Radio France


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vendredi 19 mars 2010

4'33'' après J.C.


John Cage célébré à l'Ircam



John Cage aura définitivement marqué la musique du 20e siècle, tout comme Yves Klein et Samuel Beckett ont marqué la peinture et la littérature.

Mais avec Cage - et au delà des audaces compositionnelles développées par d'autres musiciens à la même époque - c'est une ultime barrière conceptuelle qui a sauté en matière de création artistique. Car dans nombre de ses pièces, c'est la volonté même du compositeur qui s'efface devant le recours au hasard, à l'indétermination. Pour la première fois sans doute dans l'histoire de l'art, ces éléments sont propulsés au rang de principes déterminants de l'oeuvre.

Dans les années 40 et après, le Cage iconoclaste, le Cage dada, le Cage zen transpose en musique les principes du I Ching. Mais à cet appel du hasard en musique répond la nécessité, sans doute inspirée elle aussi par les philosophies orientales, d'une forme de vacuité parfaite. Il est donc a posteriori très logique que le même homme soit à l'origine des "Music of Changes" pour piano, de "William Mix" (pièce pour fragments de bandes magnétiques découpées et montées selon un ordre obéissant au hasard), et de "4'33''", pièce en trois parties qui n'est faite que de silence.

Ce silence, érigé en oeuvre par Cage en 1952, est sans doute la création musicale la plus radicale qui soit, et s'annonce entre autre choses comme une sorte d'écho précurseur à la fameuse exposition "Le vide" réalisée par Klein à la galerie Iris Clert en 1958. C'est à la fois la pièce la moins dérangeante de toute l'histoire de la musique (sur le strict plan auditif s'entend !), mais aussi la plus iconoclaste que l'on puisse concevoir. Et là où Cage a frappé fort, c'est que, par essence même, elle le restera jusqu'à la fin des temps.

Quel autre artiste, aussi avant-gardiste et doué soit-il, peut-il prétendre ne jamais être dépassé ?


L'Ircam rend hommage à cet exploit, jeudi 25 mars à 20 h 30, sous la forme d'un concert intitulé "4'33'' après J.C.". Aux côtés du défunt Cage se succéderont cinq compositeurs d'aujourd'hui (James Dillon, Christian Marclay, Bruno Mantovani, Carlos Caires, Roque Rivas), pour cinq oeuvres de commande inspirées par la fameuse pièce. Pour ce concert, Peter Rundel sera aux commandes du Remix Ensemble.

Le concert sera précédé à 19 h d'une rencontre : "4'33'' : Portait chinois" réunissant historiens de l'art, philosophes et musicologues. Une rencontre en forme d'exercice de style oulipien, puisque chacun des six intervenants s'exprimera sur l'oeuvre de Cage sous forme d'une performance en trois parties, d'une durée prédéterminée de 4 minutes 33 secondes.


Jeudi 25 mars 2010,  Centre Pompidou, Grande salle. Rencontre à 19h  (entrée libre), concert à 20h30. Réservations sur le site du Centre Pompidou.