samedi 12 décembre 2009

SIEL SATIS RADIO 2009 - 2


L’avenir du Blu-ray
(passe-t-il par la 3D ? ndlr)






Une autre conférence rassemblait un large panel de professionnels éditeurs et constructeurs, dont Delphine Kihl (Chef produit Blu-ray chez Panasonic), Laurent Jaconelli (de la société d’authoring DVD et Blu-ray Mastery), Arnaud Brunet (Directeur des relations extérieures chez Sony France et Secrétaire de l’Association Blu-ray Partners France) et Patrice Ribourg (Marchés professionnels Blu-ray chez Sony).

Les constructeurs présents à cette table ronde animée semblaient assez optimistes sur l’avenir du Blu-ray, qui pourrait bien être le dernier support physique de l’histoire destiné à la vidéo. Un optimisme peut-être un peu forcé dans l’état actuel des choses, même si la France apparaît plutôt en avance sur le marché européen.

Aux Etats-Unis, ce sont désormais 10 millions de foyers qui sont équipés d’un lecteur Blu-ray - avec une progression importante du taux d’équipement en 2009 : +72 % par rapport à l’année précédente. 40 millions de disques y auront été vendus cette année pour un total de 1500 titres disponibles. Une pénétration plus rapide que celle du DVD à l’époque de son introduction.




En France, 1000 titres sont aujourd’hui disponibles, et sont en général mis sur le marché 4 mois après la sortie d’un film en salle. Mais le parc de lecteurs Blu-ray reste faible : 230000 appareils en juillet dernier, possiblement 450000 d’ici à la fin de l’année, alors que les chiffres de vente d’écrans plats s’envolent (7 millions d’unités en 2009, dont plus de 30 % sont à la norme HD ou Full HD). Mais il faut ajouter au parc des lecteurs de salon le très bon score réalisé par la Play Station 3 (dont la section Blu-ray est longtemps restée l’un des meilleurs lecteurs du marché) : 2 millions d’unités en auront été vendues au 31 décembre 2009. Ainsi que le chiffre de plus de 400000 lecteurs/graveurs Blu-ray à destination informatique.

Et même si ces chiffres sont voués à une progression naturelle, on ne peut pas encore parler de mouvement de masse, d’engouement franc pour cette nouvelle technologie. Le DVD reste le support préféré des amateurs de cinéma et de concerts à la maison, et le restera probablement jusqu’en 2012 !C’est facile à comprendre : les foyers sont maintenant équipés de lecteurs DVD et d’écrans plats - voire de projecteurs – dont beaucoup sont d'ailleurs tout juste HD Ready ! Le catalogue de références DVD disponible est immense, leur prix reste modéré et leur disponibilité en vidéoclub ou sur le marché de l’occasion est excellente. Sans même parler d’autres formes de concurrence : la TNT HD et les offres internet TV des opérateurs de téléphonie, qui rendent la VOD (Video On Demand) très accessible financièrement (même si la qualité des streams véhiculés sur internet reste encore perfectible).

Par contraste, le Blu-ray disc est cher, encore peu présent en magasins ou vidéoclubs, et son packaging complètement raté le dessert sans doute. C’est peut être un détail, mais c’est une hérésie totale d’un point de vue marketing que de vouloir faire payer plus cher qu’un DVD un produit encapsulé dans un boîtier marginalement plus petit, présenté dans un plastique au bleu électrique d’un goût douteux qui a bien du mal à lui donner un look de support haute résolution. Si une vraie rupture technologique avait permis de réduire encore sensiblement le diamètre du Blu-ray par rapport au DVD (comme lorsque nous sommes passés du vinyle de 30 cm au CD de 12 cm), le fait même de proposer un support plus compact aurait peut-être suffit à le faire se démarquer. Mais là, c’est un flop !

«Et la qualité d’image (et de son), très supérieure, qu’en faites vous ? Et les fonctionnalités interactives avancées ?» s’écrieront les promoteurs de ce standard. Certes, ces points sont réels, tout au moins évidemment si la masterisation du disque est bien conduite - pour l’argument qualitatif. Mais pour le grand public, pour l’amateur lambda qui ne coupe pas le lumen (ou le décibel) en quatre, ces améliorations, même si elles sont indéniables, ne valent sans doute pas la peine que l’on dépense plus (surtout dans la période actuelle), que l’on retourne une fois encore au magasin pour se rééquiper d’une nouvelle machine - alors que la précédente a déjà perdu beaucoup de sa valeur et est probablement invendable.

Le fiasco récent des SACD et autres DVD-Audio est bien là pour le montrer : le potentiel de qualité sonore intrinsèque – et d’immersion sonore, grâce à la présence de canaux centraux et arrières – n’a su constituer un avantage décisif pour ces formats. Malheureusement, nous devons constater que pour la plupart de nos concitoyens, disposer d’un son présenté comme «pur», car a peu près défini du grave à l’aigu, dépourvu de craquement et de distorsion manifestes – ce qu’apporte déjà le CD Red Book - est ressenti comme largement suffisant.

Il en va de même de l’image, à partir du moment où les couleurs sont vives, les mouvements relativement fluides et le contraste correct. Du moment qu’il n’y a pas de rayure sur le film ! Cela paraît peut être un peu radical, mais ouvrons les yeux : pendant combien de temps nous sommes nous contentés d’une définition image (TV) indigente, d’une fréquence de balayage tout juste compatible avec la persistance rétinienne et d’un procédé qui n’offrait même pas une bonne séparation physique des informations de luminance et de chrominance !




Sur l’ensemble des foyers équipés (disons en France), combien de possesseurs de systèmes home-cinéma basés sur du DVD iront se coucher contrariés de ne pas avoir pu apprécier le naturel absolu du grain de peau de Milla Jovovich dans le 5e élément, au point d’opter d’ores et déjà pour un autre système ?

On ne reviendra certes pas à la cassette VHS (et c’est tant mieux) ni au LaserDisc (l’ancêtre analogique des DVD, qui n’avait pas que des défauts) – alors que du côté audio, le vinyle est de retour depuis des années dans bien des pays (lire le compte rendu du dernier salon Haute Fidélité). Mais l’actualité montre que le CD, même s’il est loin de se porter comme un charme, reste le support physique le plus massivement vendu (sauf au États-Unis, où c’est le… 33 tours !). Et voyez : l’intégrale des Beatles remasterisée 24 bits est dans tous les présentoirs… En quel format ? SACD ? DVD-Audio, que savent désormais lire pratiquement tous les lecteurs DVD de la planète ? Non ! En CD. Sous le même codage final qu’il y a 30 ans ! Il n’est même pas question (pour l’instant au moins) de pouvoir télécharger cette somme musicale en format HD depuis un site Internet…



A mon sens donc, le salut du Blu-ray disc s’il existe passe par l’arrivée de la 3D - et c’était aussi ce qui ressortait finalement de cette conférence. Car cette technique est probablement la vraie révolution qui s’annonce tant au cinéma que chez soi. Elle s’appuiera pour le particulier sur le standard HD dans sa forme actuelle, et nécessite un média de grande capacité et de grande vitesse de lecture, comme en est seul capable le Blu-ray. Le débit mis en jeu pour une image 3D animée de haute qualité dépasse encore largement les accès les plus rapides à Internet. Mais l’image, comme la musique, est vouée à la dématérialisation du support. Nous allons juste devoir attendre un peu que le FTTH ou (Optical) Fiber To The Home soit une réalité suffisamment massive pour qu’éditeurs et opérateurs s’y retrouvent et développent des services en synergie.


Encore quelques bonnes années pour que l’on puisse d’un seul clic de souris, commander et visionner Avatar chez soi en 3D dans son format original respecté. Et nous nous exclamerons alors : «Vous vous rendez compte, à sa sortie fin 2009, cette vieillerie mal foutue a fait exploser le box-office !».


Nous serons en 2019, et il manquera encore au moins deux dimensions à un bon spectacle home-cinema : olfactive et tactile…