Le Journal du In
Avishaï Cohen + Aurora
Plébiscité par la critique, recruté par tous les ténors de la scène jazz, le contrebassiste Avishaï Cohen est entré avec son dernier disque dans une nouvelle phase de sa carrière. Il n’a (heureusement) pas raccroché son instrument, mais s’est en outre mis au chant.
Il chante son pays, il chante Israël.
Il est ici accompagné de sa nouvelle formation Aurora, au profil très ethnic band : une chanteuse, un pianiste, un joueur de percussions ethniques et un joueur d’oud.
Cela fait quelques temps maintenant que le jazz lorgne vers l’orient et se mâtine de folklore. On pense évidemment entre autres formations ou artistes à Hadouk Trio, Rabih Abou Khalil. On retrouve effectivement une certaine filiation entre musiques traditionnelles - de transmission orale, et qui font souvent la part belle à l'improvisation - et le jazz, dont on connait l’origine «populaire et rurale», mais qui a pu évoluer au cours des décennies vers une musique savante considérée (à tort !) comme élitiste.
Chez Cohen, la construction des compositions est propice aux longs développements mélodiques et harmoniques, avec un esprit plus ostensiblement festif que chez Manoukian. Mais on y décèle aussi une forme d'intensité, d'urgence presque. Les morceaux chantés le sont pour la plupart en hébreux et sont basés sur des airs traditionnels. Mais inspiration folklorique et attachement ethnique ne sont pas synonymes de répertoire convenu. Certains passages des morceaux qu’Aurora interprète ce soir ont une forte saveur de progressive jazz et feraient presque penser pour la sophistication des développements à des groupes tels que Gong ou Magma.
D’autres titres sont martelés avec un groove insensé, comme celui où même le public est invité à prendre ses solos d’applaudissements et de cris joyeux. Qu’il soit «devenu» chanteur est une chose, mais Avishaï le contrebassiste n’a rien perdu de sa virtuosité et de sa frénésie : il faut voir comment il gifle son instrument !Et entendre ce qu’il en tire comme motifs à la fois rythmiques et mélodiques !
Mais tout le personnel est à la hauteur, que ce soit le «luthiste» Amos Hoffmann, le pianiste Shai Maestro ou le jeune percussionniste Itamar Doari, qui vers la fin du concert se lance avec son attirail bien spécifique et finalement assez réduit dans un solo au chromatisme étonnant et spectaculaire. C’est évidemment un triomphe !
Le dernier morceau est une très belle chanson espagnole «Alfonsina vestida de mar» interprétée en solo par Avishaï et dédiée, tiens, à Michael Jackson (!)pour «l'universalité» de son répertoire ...
Encore un (double) rappel : «Shalom Alechem», que toute la salle reprend en cœur. Il est juste minuit, et pour un peu on se souhaiterait tous une bonne année !
Crédits photographiques pour l'article :
Francis Barrier (couleur) et Christian Izorce (noir & blanc)
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