Voici typiquement le genre de disque que j'adore !
Pour son dernier In the house of mirrors, Hector Zazou avait rassemblé quelques amis de choix, en positionnant son ami le « luthiste » ouzbek Toir Kuziyef en figure centrale de son ensemble. Et l’on trouve sur ce disque une collection de ballades sensibles plutôt acoustiques inspirées du folklore d’Asie mineure. Elles s’égrènent en une succession de très beaux et très purs blues ethniques à la lente et hypnotique pulsation. Les interventions et arrangements électroniques réalisés par l’auteur restent discrets, et sont toujours parfaitement intégrés au contenu musical.
L’ensemble déploie ici de riches tentures musicales soyeuses et moirées, tissées de sonorités d’une grande richesse. Dont celles, presque imprévues, de la slide guitar de Manish Pingle, de la harpe de Milind Raikar ou de la trompette délicieusement acide de Nils Petter Molvaer. Les bases mélodiques de tous les morceaux reposent en outre sur les tanbur (ici à gauche), oud (ci-dessous à droite), saz, ou sato ouzbeks amenés par Toir Kuziyef. Il s’agit d’instruments à cordes (pincées ou frottées) apparentés à la famille des luths, qui se caractérisent par une caisse de résonnance assez courte mais très bombée terminée en un long manche muni de nombreuses frettes. Ces instruments font partie du patrimoine instrumental de l’Asie mineure et du moyen orient et développent des timbres épicés.
Un répertoire et une mise en scène sonore qui seront familiers aux oreilles des amateurs de Hadouk Trio, du label Real World ou des compilations Network Records (cf la très fameuse série Desert Blues). Et les plus critiques ne verront peut être dans In the house of mirrors qu’une jolie construction réfléchissante, qu’un simple concentré planant de world-music, aux ingrédients d’origine certifiée mais à la saveur connue. A dire vrai, la démarche développée ici n’est plus en elle-même tout à fait originale. Mais qu’importe ! Grand magicien français de la fusion musicale récemment disparu, Hector Zazou l’a quand même pratiquée pendant plus de deux décennies et en est bien l’un des pionniers mondialement reconnu. Que lui restait-il donc à prouver ?
La production de cet album, merveilleusement enregistré et mixé, ne suscite que des éloges.
Sa réalisation technique est tout d’abord à l’image de son effectif musical : foncièrement cosmopolite, puisqu’elle s’est déroulée dans des studios situés en Inde, en Bulgarie et en France, avec une session de mixage final réalisée à la Maison de Radio France. Le résultat brille néanmoins (et heureusement) par son unité.
Les instruments jouissent d’une définition poussée, d’une très belle richesse de timbres et d’une focalisation très précise dans l’espace. La scène sonore est large et bien mise en relief, avec quelques effets de lointain (sur les phrases de trompette en l’occurrence). La dynamique s’exprime avec une belle et constante liberté, le recours à la compression s’avérant difficilement détectable en tant que tel. L’extension dans le bas du spectre est saisissante : les samples de percussions et certains des traitements sonores appliqués par Hector Zazou génèrent un extrême grave profond et spectaculaire mais qui n’est jamais envahissant tant il reste précis et ferme. Les instruments présents dans le haut-medium et l’aigu sont quant à eux toujours vibrants et cristallins, sans aucun effet d’étouffement ou d’agressivité.
L’ensemble des morceaux présente donc une ductilité et une consistance qui garantissent un plaisir d’écoute immédiat et même quelques beaux frissons.
Voici un opus qui pourrait bien s’ajouter à la liste de mes enregistrements de référence.
Allez, ne boudons pas notre plaisir : qui va s’y ajouter !
Allez, ne boudons pas notre plaisir : qui va s’y ajouter !