jeudi 20 novembre 2008

Un pack d'enceintes cohérent et pérenne signé TOTEM


Ensemble TOTEM Forest, Model One Signature, Model One Center, Thunder
- Origine : Canada
- Distribué en France par Joenit


Pour faciliter la lecture, j’ai divisé l’article en plusieurs sections, dont certaines renvoient à des pages distinctes de la présente :

- Introduction
- Une technique commune
- Conclusion
- Note sur le positionnement des enceintes

Introduction

2008 marque les vingt ans d’existence de la marque canadienne Totem Acoustic. L’occasion de passer en revue une installation 5.1 élaborée à partir des enceintes d’une gamme qui ne comporte par ailleurs aucun pack labellisé home cinema en tant que tel. Le constructeur canadien préférant se concentrer sur la polyvalence de ses produits, et c’est aussi bien ainsi ! Totem propose de fait un large éventail d’enceintes destinées à une écoute musicale stéréophonique, depuis les minuscules et déjà spectaculaires Mite, jusqu’aux modèles Wind et Shaman, qui culminent au sommet d’une gamme à la pérennité exemplaire.

C’est ainsi que les Model One dans leur première version sont au catalogue depuis la création de Totem Acoustic par Vince Bruzzese en 1988, les Forest depuis 1998. Même si ces modèles ont subi quelques évolutions au cours des années, c’est la même conception de base, le même choix de composants de qualité, la même fabrication soignée qui prévalent… Ceci est assez rassurant.



Un joli portrait de famille avec, de gauche à droite :
le caisson Thunder,
la voix centrale Model One Signature,
les monitors Model One Signature et la colonne Forest


De manière assez intelligente, Totem propose au mélomane amateur de sensations cinématographiques sonores d’acquérir en complément une voie centrale (à choisir parmi quatre modèles) et un caisson de graves (trois modèles), en totale harmonie visuelle et acoustique avec les éléments du système principal. On peut aussi compléter son système par des voies surround des séries Tribe (enceintes murales) ou Mask (enceintes encastrables). Une manière élégante de marquer la priorité musicale qui anime les ingénieurs de la marque au moment de concevoir les produits, tant il serait dommage de les cantonner à une utilisation exclusivement audiovisuelle.

Une technique commune

Les Totem Model One Signature, Forest et Model One Signature Center abritent des transducteurs de même nature, dans des ébénisteries conçues autour des mêmes concepts afin d’assurer, dès la construction, l’homogénéité et la complémentarité potentielles de l’ensemble.

Leurs coffrets monocoques scellés à joints emboutis (section en forme de S) garantissent une surface de contact maximale entre deux panneaux adjacents, d’où un maximum de rigidité et une longévité optimale. Il n’est pas faux de dire qu’une enceinte Totem est conçue à la manière d’un instrument de musique : les panneaux de bois en MDF à densité variable (plaqués sur les deux faces), le renforcement du coffret grâce à des lattes métalliques transversales insérées en des endroits précis, le couchage interne de borosilicate en font des coffrets «vivants», aux modes de résonance contrôlés plutôt que systématiquement étouffés, comme c’est le cas chez de nombreux fabricants. Le remplacement de matériaux absorbants usuels (mousses acoustiques, laine de verre, bitume…) par ce fameux borosilicate (matériau issu de l’industrie aérospatiale renfermant près de 80 % de particules de titane) garantit en outre des performances constantes dans le temps.

On retrouve sur ces trois modèles le même tweeter SEAS de 2,5 mm à dôme aluminium, qui conjugue harmonieusement les qualités de précision et de douceur sur l’ensemble de sa bande passante. Ce choix n’est certainement pas dû au hasard. Le souci de constance des performances toujours en tête, Vince Bruzzese préfère ces modèles aux tweeters à dôme textile, qui par nature vieillissent davantage. Par ailleurs, les ondes réfléchies par le petit volume de charge de ces tweeters risquent fort, dans le cas d’une membrane textile acoustiquement perméable, de se surajouter au signal reproduit. Avec le dôme alu et l’ajout d’un volume de charge adapté effectué à l’usine par Totem, cet effet pervers est annulé. Il reste que ces modèles affichent un pic de résonance important vers 27 kHz, mais qui reste en pratique indiscernable à l’oreille, y compris sur des programmes haute résolution (SACD, DVD).

Les unités médium/grave sont d’origine Dynaudio (modèle de 125 mm de diamètre sur les Model One et Model One C) et sont équipées des fameuses membranes polypropylène de la marque, dont la signature sonore est très discrète. Les Forest embarquent un haut-parleur de 140 mm, fabriqué selon le même cahier des charges par la firme canadienne Acoustic Technologies International (ATI).

Outre leur cache noyau surdimensionné, une des particularités de ces haut-parleurs est la résistance mécanique de leurs suspensions, croissante avec l’élongation de celles-ci. Ce procédé permet d’éviter le talonnement des haut-parleurs lorsqu’ils sont soumis à de violentes sollicitations en puissance. Il introduit évidemment un effet de «compression dynamique», mais qui agit de manière naturelle, tout en préservant l’intégrité de l’équipage mobile.

Conséquence directe : les enceintes Totem sont difficilement saturables, et cela s’entend ! Notons d’ailleurs que les niveaux de pression acoustique maximum avant compression sont respectivement donnés pour 103 dB (Model One Signature) et 110 dB (Forest), par paire, à 2 mètres. Cela permet de voir venir !Autre particularité des enceintes Totem : leur filtrage. Celui-ci est toujours remarquablement simple, mais réalisé avec des composants de qualité, à savoir des condensateurs au polypropylène métallisé et au papier huilé) et des self à air bobinées à la main, le tout étant monté en l’air.

Tous ces modèles sont compatibles avec le bicâblage ou la biamplification passive et présentent donc un double bornier aux masses bien distinctes. Il s’agit d’ailleurs de très beaux modèles universels WBT dorés acceptant câble nu, bananes et fourches, en assurant un couple de serrage idéal pour ces dernières. Le câblage interne est réalisé par des sections de câble en cuivre OFC argenté à gaine téflon, de diamètre adapté à leur position dans le trajet du signal.Corollaire de cette ingénierie bien pensée, les courbes d’impédance des modèles écoutés ici sont assez régulières, sans présenter de minima particulièrement délicats pour l’amplificateur associé.

Une restitution généreuse

On tire donc déjà des enceintes Totem une restitution généreuse en utilisant des électroniques simples. Mais il semble pratiquement ne pas y avoir de limite à ce que ces transducteurs sont capables d’encaisser, tant du point de vue quantitatif que qualitatif. C’est ainsi que, dans bien des systèmes, ce ne sont pas ces maillons qui constitueront véritablement le goulot d’étranglement, mais bien les éléménts situés en amont. Même si ce principe du garbage in garbage out est aujourd’hui assez généralement admis car fondé, il ne s’exprime rarement mieux qu’avec du Totem en bout de chaîne !

Le niveau de finition constaté sur chaque modèle est assez élevé sans toutefois atteindre l'exceptionnel de certaines marques (telles que ProAc, exemple quasi-absolu en matière de qualité de fabrication d'enceintes électrodynamiques conventionnelles). Mais les coloris proposés par le constructeur canadien sont tous très chatoyants, les proportions physiques des différents modèles sont agréables à l'oeil, les arrêtes entre faces sont parfaitement jointées... Il s'agit donc de produits bien faits !

Conclusion

On n’insistera jamais assez sur le caractère immédiatement bluffant qui se dégage d’une écoute menée avec des enceintes Totem, qu’il s’agisse d’ailleurs des microscopiques modèles Mite ou des fines colonnes Staff – ici des Model One Signature et des Forest – qui toutes donnent l’impression subjective d’un volume sonore et d’une ampleur dynamique de quelques ordres de grandeur supérieurs à leur taille réelle.

Caractéristique sonore commune des modèles Totem : une certaine forme de souplesse et de plénitude sonore, un caractère savamment dosé entre précision, dynamique, et, pourrait-on dire, une petite touche de rondeur. Les Totem sont généreuses sans être débonnaires, précises sans être ascétiques. Le grave qu’elles produisent est tout simplement savoureux. Il peut être tendu, mais n’oublie surtout jamais d’être plein, même sur des petits modèles tels que les Model One. Il peut surtout être profond, comme avec les Forest, mais sans jamais déborder sur le reste du spectre. Et si quelques oreilles affûtées peuvent pointer sa relative bonhomie, celle-ci ne s’exprime jamais au détriment de l’intelligibilité ou de la vivacité du message.

Autre point commun de la gamme, révélateur de la transparence des enceintes Totem : il semble qu’il n’y ait tout simplement pas de limites à la qualité de l’amplificateur que l’on utilisera pour les alimenter. Meilleure est l’électronique, meilleur est le résultat, et ce, de manière parfaitement sensible. On peut donc prendre l’option canadienne sans crainte de compromettre l’évolutivité de son système. Cela relativise en quelque sorte le prix à payer !

Note sur le positionnement des enceintes :

Il est impossible de définir a priori le positionnement idéal d'une paire d'enceintes dans une pièce. En effet, cette problématique complexe doit prendre en compte les dimensions du lieu, la nature des matériaux de construction et des revêtements (sol, murs, plafond), la manière dont la pièce est meublée et aménagée, la position d’écoute privilégiée adoptée par le ou les auditeurs.

Tout ceci contribue à l’équilibre sonore de la restitution, et à l’épanouissement plus ou moins favorable de l’image stéréophonique (ou du panorama multicanal s’il y a lieu). S’agissant des modèles Totem, leur faible directivité rend leur installation assez peu critique. Il n’est par exemple pas indispensable – mais pas interdit non plus - de les orienter spécifiquement vers l’auditeur.

On trouvera d’ailleurs sur le site de Totem Acoustic quelques indications utiles en la matière. D’une manière générale, sauf quelques exceptions dûment spécifiées, il convient tout d’abord de bien dégager les enceintes du mur arrière et des murs latéraux, sans quoi le diagramme de rayonnement naturel des enceintes se trouve sensiblement modifié (écrasement par l’obstacle interposé), ce qui nuit à l’équilibre tonal et à la reconstitution de l’image sonore.

Par ailleurs, un positionnement trop proche de murs ou d’encoignures excite les modes de résonnance de la pièce, et peut amener à un surcroît de grave ou d’extrême grave s’exerçant toujours aux mêmes fréquences, donc préjudiciable à l’intelligibilité du message. Paradoxalement, un caisson de grave peut bénéficier d’un placement rapproché d’un mur ou d’un coin, si l’on veut exploiter son effet de renforcement d’une manière spectaculaire. Attention néanmoins à ne pas saturer le local d’écoute. Enfin, sur des modèles bass-reflex dont l'évent débouche à l’arrière, le placement contre un mur modifie la charge du haut-parleur de grave et altère son fonctionnement même.







Enceintes TOTEM Model One Signature


Origine : Canada - Prix : 2500 € la paire -
Distribué en France par Joenit


Un mini-monitor de luxe

Version aboutie des Model One figurant au catalogue depuis l’origine de Totem, les Model One Signature (sorties en 1997) constituent l’archétype du monitor compact, racé et performant. On pourra donc parfaitement s’en contenter pour constituer un système principal discret mais de haute qualité ou pour compléter un système principal en les utilisant comme voies surround.


Ces petits parallélépipèdes à deux voies embarquent les solutions techniques propres à la marque, et notamment l’ébénisterie multicouche recouverte de la finition interne borosilicate. Le port bass-reflex accordé à 42 Hz débouche à l’arrière de l’enceinte, dans l’alignement du tweeter.

On note également, comme sur les autres modèles d'enceintes, la présence d'un très beau bornier double plaqué or d'origine WBT. La bi-amplification passive est donc réalisable aussi avec ce "petit" modèle !


Ecoute

Les exceptionnelles capacités holographiques des Model One Signature, combinées à leur fort pouvoir d’analyse, en font donc des enceintes très attractives, et même étonnantes, pour l’amateur de petites et moyennes formations (en jazz ou en classique), avec lesquelles l’absence de frustration est garantie sur le plan de la consistance sonore.

Pour la petite histoire, alors que j’avais pendant cette session d’écoute installé les Model One Signature juste à côté des Forest, plusieurs visiteurs de passage ont cru à leur arrivée écouter les grands modèles !

C’est d’ailleurs Helen Merrill qui leur donna la première claque - accompagnée de Ron Carter qui leur assena aussitôt le coup de grâce ! À l’écoute de l’album Duets paru en 1989 chez Emarcy, nous restions en effet littéralement bluffés par la présence de la voix de la chanteuse et par la consistance de la contrebasse. Celles-ci nous étaient délivrées avec une assise époustouflante, sans l’effet bien connu de mise en avant systématique du bas médium, typique des jolies petites grenouilles qui veulent se faire aussi grosses que le blanc-bleu belge (une race de bovins géants élevés outre-Quiévrain).
 La notion d’espace sonore était tout simplement superlative, et permettait d’ailleurs de bien noter les quelques exagérations de l’enregistrement à cet égard. Comme si l’ingénieur du son avait jugé bon de «remplir l’espace» entre les deux protagonistes, à défaut, peut-être, de disposer d’un lieu d’enregistrement acoustiquement favorable. Ah, la peur du vide ! Il reste que ce disque est une merveille sur tous les plans, et surtout d’un point de vue musical.

Pour rester dans le registre du jazz, c’est ensuite le Live in Vienna du trio de Frédéric Alarie (Fidelio Records), bassiste lui aussi, qui nous fit échanger regards et sourires incrédules ! À très haut niveau sonore, ces monitors affichent certes un équilibre tonal un peu ascendant qui ne sera pas hors de propos dans un environnement acoustiquement plutôt amorti. Je parle bien là de niveaux très élevés, qui pourraient facilement générer sur le long terme de sérieux problèmes de cohabitation au sein du foyer !


Mais il n’est pas exagéré d’écrire que, poussés dans leurs retranchements par une électronique plutôt musclée, ces modèles affirment une capacité dans le grave tout simplement renversante, sans aucun effet de talonnement. Sur les solos de batterie des morceaux «Juju» et «So What», on parvient à une notion d’impact quasi réaliste, et ce même sur les plus grands fûts. Tandis que le saxophone bruit de mille souffles, luit d’un chromatisme riche et juste, module avec un grand pouvoir de conviction. Et que la rapidité de réaction des petites membranes fait merveille dans les passages de contrebasse les plus véloces.

On retrouve évidemment cette fulgurance sur de nombreux programmes. Les pièces baroques rythmées sont en général propulsées allegro assai et ne cèdent pas place à l’ennui, même chez les plus réfractaires à ce genre musical !Mais il faut noter que les capacités holographiques et l’ampleur du message délivrées par ce minimonitor sont encore sublimées par le passage en biamplification passive, ce que permet aisément l’ensemble Chord DSP 8000 R et SPM 3005 dont je dispose.

Nous parlons ici d’un ensemble d’électroniques dont le prix excède quand même 30000 €, à mettre en regard des 2500 € qui permettent d’acquérir ces Model One. Mais il tire de ces petites boîtes une performance exceptionnelle, y compris sur de très grandes formations mahlériennes, et, là encore, sans la moindre impression d’étranglement lors des crêtes de dynamique !


Ainsi de la restitution de la 5e Symphonie du compositeur autrichien, version du Royal Concertgebouw dirigé par Riccardo Chailly (paru chez Decca), où l’illusion d’avoir à faire à des colonnes est même… troublante.

Mais moins qu’une autre enceinte un monitor ne procure d’effet physiologique. Du coup, c’est à bas niveau que les Model One pourront manquer très légèrement de consistance, mais de façon toute relative. En revanche, transparence et restitution holographique sont toujours au rendez-vous, avec une scène sonore qui ne perd ni en largeur ni en profondeur.

Recommandation d'installation

C’est dégagées du mur arrière d’environ 50 centimètres que les Model One m’ont donné la meilleure impression. Leur faible directivité leur permet d’être installées presque parallèlement, sans aucune contrepartie sur le plan de l’image. C’est d’ailleurs ce que recommande leur concepteur, mais il faut tout de même tenir compte des murs latéraux dont la proximité éventuelle pourra inciter à les orienter vers l’auditeur.


Conclusion

Qu'elles soient utilisées seules ou en conjonction avec le caisson Thunder, ces Model One constituent donc un très étonnant système, déjà capable de donner le grand frisson. Elles peuvent très bien prendre la place de voies surround dans un système home cinéma. Mais il serait bien dommage de ne les cantonner qu’à cet exercice, et personnellement, c’est aussi en pensant à des applications de monitoring d’enregistrement que je les ai acquises. Et dans ce contexte, leur compacité, leur facilité de positionnement et leur transparence achèvent de convaincre. Leur seul possible défaut dans ce domaine : elles ne seraient peut être pas assez austères !

Spécifications constructeur

- Enceinte bass-reflex 2 voies
- Bande passante : 50 Hz – 20 kHz à +/- 3 dB
- Sensibilité : 87 dBImpédance : 4 Ω nominale, minimum 3,8 Ω
- Fréquence de coupure : 2,7 kHz
- Pente : 12 dB/octave
- Puissance admissible : 120 W
- Bornier : modèle WBT doré, double
- Dimensions : 167 x 313 x 227 mm (L x H x P)
- Poids : 4,1 kg



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Enceintes TOTEM Forest


Origine : Canada - Prix : 4 300 € la paire
- Durée du test : plusieurs mois...


De fines et élégantes colonnes

Les fans de Schostakovitch, les fondus de Limp Bizkit, les admirateurs de David Bowie et de Depeche Mode auront intérêt à se tourner vers un modèle tel que les Totem Forest s’ils veulent vraiment tirer le maximum de plaisir de leurs disques, sans devoir recourir à une débauche d’électroniques.

Et en l'espèce, point n’est besoin d’accueillir chez soi des monstres de 2 mètres de haut et de 100 kg pièce, ces petites colonnes rendent déjà bien des services !


Les Forest (date d'introduction : 1998) sont en effet les modèles idéaux pour qui souhaite disposer d’une base très sérieuse dans la catégorie des enceintes discrètes. Car leur esthétique s’intègre à merveille dans la plupart des intérieurs, sans effet intrusif marqué, à l’exception des haut-parleurs qui normalement restent visibles (ces derniers pouvent toutefois disparaître sous un cache fixé par velcro sur la façade). Et comme leurs petites soeurs les Model One Signature, elles sont disponibles en finition érable, frêne noir, merisier et acajou. Ces colonnes de seulement 20 x 27 cm de base reposent chacune sur trois ingénieux «Claws» (ou «griffes»), piétements métalliques constitués d’ogives inversées (finition noire ou alu), qui viennent coiffer de petites billes métalliques.


Ce principe évite de faire des trous dans le parquet tout en captant et diffusant vers le sol les vibrations indésirables en provenance des transducteurs, mais pourra néanmoins laisser quelques marques discrètes au sol. L'ajustement fin du positionnement des enceintes s'en trouve évidemment facilité. On pourra juste regretter que le mode de fixation des Claws sur les Forest ne soit pas un peu plus sophistiqué. Pour chaque Claw, il s'agit en effet pour l'utilisateur de visser une longue vis à bois dans un trou pré-percé à la base de l'enceinte. Un système utilisant inserts et vis BTR nous aurait paru plus professionnel.

Une découverte sonore

Il y a quelques mois, lorsque j’ai reçu les Forest, j’utilisais alors une paire d’excellentes Jean-Marie Reynaud Cantabile Signature, presque moitié moins chères, mais réputées à juste titre pour leur rapport performances/prix exceptionnel. Les Forest, avec leur prix de 4300 euros la paire n’avaient donc qu’à bien se tenir…Tout juste branchées (à mon amplificateur Naim Audio 180 de l’époque) et d’ailleurs pas encore rôdées, je fus surpris de découvrir à quel point elles donnaient immédiatement l’impression de chanter merveilleusement !

À cela s’ajoutait une lisibilité très supérieure des morceaux, toute en sensibilité, sans aucun effet analytique. C’en était même troublant. En effet, je suis de longue date convaincu de la prééminence de la source dans la qualité globale d’un système. Et c’est principalement de la source que se révèle ou non la musicalité d’un morceau, dans tout ce que cette qualité peut avoir de liée avec les notions de pouvoir d’analyse, de mise en perspective des notes et des gestes qui les génèrent, de révélation des motifs harmoniques et mélodiques entrelacés dans les musiques les plus complexes. À tel point que j'aurais presque tendance à «reléguer» l’enceinte au strict rang de transducteur mécanique, susceptible de distordre, d’arrondir, de gommer, de passer sous silence – ou à l’inverse, dans certains cas, d’exagérer certains registres fréquentiels par rapport à d’autres, par exemple.

Et je pensais bien connaître les Forest pour les avoir utilisées aux cours de nombreux tests menés sur des électroniques de tous niveaux de gamme, mais leur (re)découverte dans mon environnement domestique fut l’occasion d’un premier choc devant ce surcroît de présence purement musicale. Les différences entre les présentations canadienne et française étaient immédiatement perceptibles : davantage d’extension dans le grave pour les Forest, un aigu semblant filer plus haut, ceci s'ajoutant à cette expressivité généreuse et sensuelle. Par comparaison, les Cantabile Signature affichaient une imperturbable rigueur, une droiture remarquable mais sensiblement moins enthousiasmante – ce qui ne retire cependant rien à la réelle valeur de ces dernières.

L’impression d’espace et la précision de la scène sonore se montraient également supérieures, et je retrouvais assez vite le point fort de la marque canadienne en ce domaine.


Passée une période de rodage de quelques dizaines d’heures, avancées d'une soixantaine de centimètres par rapport au mur arrière, les Forest ont vite affiché une ampleur encore supérieure, une meilleure négociation du registre grave, avec, cette fois, non pas une «bonne notion d’impact», mais de véritables niveaux de pression ressentis physiquement. Le constructeur annonce d’ailleurs une réponse s’étendant à 28 Hz (à - 6 dB) en environnement semi-réverbérant, ce qui est sans doute un peu optimiste, mais leurs performances subjectives dans ce domaine restent assez exceptionnelles pour leur taille.

Avec les Forest, les ambiances de salle ressortent avec un réalisme avantageux. Exemple : les Concerti pour Hautbois, Basson et Cordes d’Antonio Vivaldi, ensemble L’Armonia e l’Inventione dans la très belle gravure Astrée/Auvidis. La restitution qu’en offrent les Forest conjugue proximité instrumentale, réalisme de la scène sonore et très belle acoustique environnante (mise en valeur des réverbérations). Par rapport aux Model One, la restitution bien charpentée apportait un surcroît de sérénité aux morceaux ainsi qu’une savoureuse impression de présence, très charnelle. Mais l’esthétique sonore globale reste évidemment très proche de celle de leurs petites sœurs : même impression de ductilité, même signature sonore dans le registre médium - les voix ne semblant pas décalées vers le grave -, même douce transparence dans l’aigu.

Tout le bien-fondé des choix techniques de Totem Acoustic ressort à l’écoute du piano d’Alexandre Tharaud dans Ravel, magnifique dans ses timbres et dans sa vivacité, un caractère vivant qui souligne à merveille une interprétation des plus inspirées ! Le tout en l’absence de toniques de coffret ou de son de boîte.

Nous restons donc bien dans la même famille sonore, et l’intégration de l’ensemble Forest/Model One s’annonce sous les meilleurs auspices !

Quelle électronique pour les Forest ?

La grande versatilité des Forest permet déjà d’en tirer un excellent résultat lorsqu’elles sont mises en mouvement par des électroniques de moyenne gamme (ensembles séparés Naim Audio d'entrée et de milieu de gamme, ou Atoll PR 300 - AM 200 par exemple). Et à l’instar des Model One, les Forest s’épanouissent merveilleusement lorsqu’elles sont bercées par les bras bien musclés d’une amplification de puissance de haut de gamme.

C’est ainsi qu’une première association avec les blocs mono Ayre MX-R leur confère une ampleur sans aucune commune mesure avec leur taille, que ce soit sur le plan de la dynamique ou de l’espace sonore recréé, qui s’affranchit majestueusement du positionnement des enceintes dans la pièce d’écoute.

Avec mon Chord SPM 3005, le passage à deux canaux dédiés à l’amplification (passive) apporte également son lot bien logique d’améliorations, immédiatement appréciables sur des programmes classiques par exemple : séparation des pupitres encore accrue (notamment dans le sens de la profondeur de la scène), mise en relief des bruits instrumentaux, liberté harmonique supérieure, lisibilité mélodique en nette hausse liée à une articulation microdynamique exemplaire. Plus aucune excuse désormais pour passer à côté du propos musical - même avec des œuvres un peu heurtées telles que la Quatrième symphonie de Schostakovitch !

Spécifications constructeur

- Enceinte bass-reflex deux voies
- Bande passante : 33 Hz – 20 kHz à +/- 2 dB
- Sensibilité : 87 dB
- Impédance : 8 Ω nominale, minimum 7 Ω
- Fréquence de coupure : 2,5 kHz
- Pente : 18 dB et 24 dB/octave
- Puissance admissible : 200 W
- Bornier : modèle WBT doré double
- Dimensions : 195 x 890 x 270 mm (L x H x P)
- Poids : 16,2 kg l'unité


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Caisson TOTEM Thunder


Origine : Canada - Prix : 2 499 € -
Durée du test : plusieurs mois...



Ce caisson, presque discret, est d’une conception originale puisqu’il arbore un haut-parleur frontal de 26 cm de diamètre à membrane métallique et cache noyau en tresse de carbone, secondé latéralement par deux radiateurs passifs du même diamètre et de même nature. Ces unités sont fabriquées au Danemark par Tymphany/DST (Danish Sound Technology Group). Son esthétique et sa compacité en font le complément logique d’une installation «tout Totem».

Sur le plan ergonomique, ses capacités sont néanmoins limitées, puisqu’il n’est pas télécommandable (ce qui serait bien pratique compte tenu des ajustements fins qu’un subwoofer nécessite) et qu’il ne présente pas d’entrée signal amplifié susceptible de recevoir la modulation transmise aux enceintes principales. On l’alimentera donc au niveau ligne délivré par la sortie subwoofer de l’ampli, ou par une paire de sorties stéréo supplémentaires, dont sont heureusement pourvus la majorité des amplis intégrés ou préamplis séparés du marché.

C'est néanmoins un modèle raisonnablement complet, puisque pourvu d’un réglage de volume, de fréquence de coupure haute et de phase. Dans mes conditions d'écoute, en conjonction avec les Forest, j'ai réglé sa fréquence de coupure aux alentours de 70 Hz, avec un volume situé un peu avant mi-course pour les programmes musicaux, un peu au delà pour le home-cinéma.

Il est positionné à quelques 40 cm du mur arrière, centré par rapport aux enceintes principales. Dans cette configuration, le réglage de phase est resté ajusté sur 0°. Ces informations ne sont évidemment données qu'à titre informatif, car les conditions d'uilisation idéales varieront logiquement d'une installation à l'autre (voir à la fin de l'article d'introduction à l'Ensemble TOTEM).


Cette partie électronique est confiée par Totem Acoustic au fournisseur américain O Audio, qui a développé une gamme d'amplificateurs intégrés spécifiques pour caissons de grave. Il ne s'agit pas d'amplification numérique, mais d'un schéma en classe AB muni d'une alimentation dite "intelligente" qui ne délivre le maximum de puissance qu'au moment voulu. Le filtrage passe-haut (réglable en continu de 40 à 120 Hz) est du quatrième ordre (24dB/octave).

Considérant l’exceptionnelle réponse dans le grave des modèles Forest, le caisson Thunder n’apporte globalement un plus vraiment sensible qu’en complément des Model One, ou, dans un système principal constitué de plus gros modèles, sur les passages les plus extrêmes des meilleurs CD et DVD. Mais il faut imméditement signaler que sa taille modeste le réserve plutôt à des pièces d’une surface raisonnable (25 à 30 m2). Car ce modèle ne produit pas l’infragrave de niveau abyssal dont sont capables certains de ses concurrents s'il s'agit de remuer un très grand volume d'air, ce qui est le cas de mes conditions domestiques. Néanmoins, il souligne très correctement les passages les plus modulés dans ce registre, permet de gagner quelques Hertz de bande passante, et peut améliorer la perception de l’acoustique des (grandes) salles de concert.

Il faut se méfier des caissons en reproduction purement musicale, car leur utilisation excessive contribue souvent à alourdir le message, et à dépersonnaliser le registre grave. Ici, une fois le niveau adéquat réglé, les exécutions ne souffrent d’aucun ralentissement dommageable à leur vivacité. Et, comme souvent lorsque cet élément est bien réglé, c’est finalement lors de son extinction que l’on prend vraiment conscience de son utilité !

Spécifications constructeur

- Bande passante : 20 Hz – 200 Hz
- Puissance : 500 W pour 0,3 % de DHT
- Facteur d'amortissement du haut-parleur : 500
- Rapport S/B : 105dB
- Fréquence de coupure : réglable entre 40 Hz et 120 Hz
- Phase : réglable sur 0° - 180°
- Dimensions : 300 x 468 x 455 mm (L x H x P)






Voie centrale TOTEM Model One Signature Center


Origine : Canada - Prix : 1 699 €
- Durée du test : plusieurs mois...



La voie centrale Model One-SC est en quelque sorte une Model One multipliée par un facteur un et demi du point de vue des transducteurs, puisqu’elle embarque le même tweeter, cette fois encadré par deux haut-parleurs médium/grave identiques à ceux de la Model One. Mais son volume est presque deux fois plus important. A l'instar des Model One Signature et des Forest, il s’agit d’un concept bass-reflex, mais muni cette fois de deux évents tubulaires débouchant à l’arrière du coffret, en regard des unités de grave. Elle est également équipée du même double bornier WBT de très belle facture permettant le bicâblage.

Contrairement à une idée souvent rencontrée, l’ajout d’une voie centrale dans un système stéréo haute-fidélité évoluant vers le home-cinéma n’est pas toujours indispensable, à partir du moment où le système principal est bien réglé et n’affiche pas de trou marqué au centre de la scène sonore. C’est d’ailleurs a priori bien le cas avec les produits Totem, qui délivrent, on l’a vu, une image stéréophonique large, profonde et précise.

D’un autre côté, il est vrai que le canal central véhicule près de 65% de la bande-son frontale d’un film, dialogues et musique compris ! L’intelligibilité des dialogues et leur stabilité au sein du panorama sonore déployé dans une installation home cinéma gagnent donc forcément à la mise en œuvre d’une centrale, tout du moins lorsque celle-ci s’intègre acoustiquement avec le reste du système. C’est particulièrement le cas ici, compte tenu des choix technologiques adoptés.Par elle-même, la Model One SC délivre un message très homogène et précis, d’une extension et d’une consistance intermédiaire entre celles des Model One et celles des Forest. Et jouir du même degré de transparence sur cette voie comme sur les autres assure une immersion parfaite dans la bande-son d’un film.

On peut donc sans doute dire que la Model One Signature Center est un luxe, mais un luxe très appréciable, et qui devient vite indispensable pour qui souhaite recréer à la maison une vraie ambiance cinéma enveloppante.

Spécifications constructeur

- Enceinte bass-reflex deux voies
- Bande passante : 40 Hz – 20 kHz à +/- 3 dB
- Sensibilité : 87 dB
- Impédance : 4 Ω
- Fréquence de coupure : 2,4 kHz
- Pente : 12 dB / octave
- Puissance admissible : 150 W
- Bornier : modèle WBT doré double
- Dimensions : 560 x 165 x 240 mm (L x H x P)






vendredi 14 novembre 2008

StreicherKreis de Florence Baschet - La répétition


Mercredi 12 novembre, 10 h 00, Ircam, Salle de Projection



Préalablement au concert, nous avions retrouvé le Quatuor Danel en répétition de StreicherKreis, sous la direction de Florence Baschet. Un travail de haute précision, émaillé des consignes très claires données par la compositrice tant aux musiciens qu’au tandem Serge Lemouton (ici à droite avec F. Baschet) – Maxime Le Saux, respectivement responsable de l’informatique musicale et ingénieur du son associés à l’œuvre.

Première difficulté : dans l’immense salle vide, le quatuor acoustique sonne presque «léger», en tout cas sensiblement détimbré par rapport à une performance en public. Les Danel travaillent d’abord quelques sections difficiles de l’œuvre, qui sont explorées à fond : l'analyse est pratiquement menée note par note pour certaines mesures. Le suiveur de geste est en action. De temps en temps, il faut revoir la fixation d'un capteur au poignet des interprètes car leurs gestes sont amples et rapides – et le seront sans doute davantage le soir du concert.

Enchaînement sur un passage incroyablement tendu et chahuté, puis retour au bruissement de silence – les notes s’étirent en longues et fines tensions dramatiques. Les frottements passés à la loupe de l’amplification font surgir des spectres analysés et exposés dans leur grain le plus fin.
On poursuit : long filage sur un passage où les cordes sont tout juste frottées, et où leurs bruissements sont magnifiés par le dispositif électroacoustique. Depuis le milieu de la salle, Florence Baschet commande d'un pupitre le mixage des effets, leur dosage quantitatif par rapport à l’exécution en cours. Elle occupera d’ailleurs ce même poste lors du concert. L’ingénieur du son est fréquemment invité à quitter sa console pour se mettre à la place de la compositrice.

Un premier filage complet de l’œuvre donne 27 mn 15 s, un peu plus longtemps que prévu. C'est la pause, bienvenue pour les musiciens, mais pas la récréation ! La compositrice a rejoint les musiciens sur scène. Ils recherchent ensemble le meilleur équilibre pour le quatuor. Pour Florence, l'alto de Vlad Bogdanas semble en retrait, alors que le musicien a l’impression de donner le maximum !

Chaque passage est réexaminé à la loupe : extrêmement précis, les musiciens se souviennent parfaitement des quelques moments de flottement ou de désynchronisation survenus lors de cette répétition. Guy Danel, le violoncelliste, fait part d'un doute : un point d'orgue entre un passage très animé et la section suivante, plus recueillie, lui pose problème. Il faudra le renégocier. Guy se propose de n’intervenir ici qu’en réponse à l’écho de l'électronique afin que le geste soit plus musical.
Nous parlons maintenant de tempo. La question cruciale de la battue est abordée. Ici, le quatuor Danel fait valoir sa vision particulière de la synchronisation : plutôt que d'annoter la partition au préalable, les musiciens préfèrent tout d'abord se caler entre eux à l'oreille, et ne définir une gestuelle de battue que lors des toutes dernières répétitions. Dans cette pièce complexe, ce rôle de direction sera d'ailleurs dévolu à tour de rôle à chaque exécutant. On intégrera donc la battue au prochain filage.

Mais l'ingénieur du son signale un accrochage larsen lors des passages pp et ppp ! Dans une section où la granularité des pianissimi est exacerbée par le dispositif électroacoustique, le niveau émis par les haut-parleurs est repris par les micros de prise. Faut-il jouer moins fort ? On décide que non, Florence tenant au contraire à ce que les musiciens se laissent aller. A la technique de garder le contrôle sur la diffusion !

Nouveau filage, en acoustique, de la section E… Cette fois, le quatuor est bien en place ! On rajoute maintenant le dispositif électro : des réverbérations apparaissent, ainsi que l’extension du corps du violoncelle. Mais une nouvelle pause s’avère nécessaire : quelques minutes sont accordées aux musiciens pour qu’ils définissent entre eux les battues de la section G.
F G H sont ensuite enchaînés, avec la battue et la mise en œuvre des capteurs. Attention ! Des accidents sont redoutés en mesure 155, et à la négociation de la difficile transition entre 214 et 215. Ici, les frottements des cordes aigues et graves déclenchent des harmonisations micro-tonales. Un drone grave, seul «instrument virtuel» de la partition, vient assombrir ce passage par ailleurs très acide, tout en notes filées. En mesure 208, le traitement déclenche une grappe de réverbérations caverneuses et futuristes à la fois. Tout cela est très complexe, surtout lorsque l’on songe que ces effets sont la résultante de la gestuelle des instrumentistes, et non la simple superposition de séquences préenregistrées.

Les échanges sont nombreux et vont droit au but entre Florence Baschet et les membres du quatuor : un silence de Guy en fin de mesure est perçu par la compositrice comme une césure trop marquée. Il faudra revoir cette ponctuation. Marc Danel, premier violon, attire l’attention sur le sujet tout pragmatique du tournage des pages de la partition, critique à certains moments, susceptible de provoquer des déconcentrations !
Mesure 252 : le dispositif électro prend toute son ampleur en marquant la démultiplication des gestes des musiciens. Mais après le travail de calage, cette mesure respire !


Nouveau filage de l'œuvre : un petit signe de déclenchement est convenu entre Marc et Maxime, à la régie son. La première mesure naît du silence. Un monde de glissements s'instaure. Cette fois‚ tout le filage s'écoule magnifiquement, jusqu'à ce que Gilles Millet, peu de temps avant la fin, casse une corde de son violon ! Pause. On se regroupe. On envisage ensemble le cas où le même incident se reproduirait lors du concert. Que faudrait-il faire ? Recommencer depuis le début puisque la pièce n’est pas découpée en mouvements ? Reprendre la section en cours ? Ou simplement continuer, si la fin de l'œuvre est proche ? On s'interroge... Mais que fait-on donc chez Haydn ? Ah, mais chez Haydn, il n’y a pas d'électro à recaler ! Florence va y réfléchir, la question n'est pas tranchée.

Ah, et pour les mesures d'introduction, Florence recommande au quatuor une vision plus géométrique des choses : le découpage des verticales et des horizontales doit être mathématique comme un théorème ! Au moins au début de l'œuvre, qu’elle ne souhaite surtout pas «romantiser».

Il est 13 heures. Ce sera tout pour StreicherKreis, au moins jusqu’à la générale qui a lieu demain. Mais après le déjeuner, il faut encore répéter les pièces de Rivas et de Bédrossian…

Nous retrouverons les deux autres volumes du cycle avec le quatuor Diotima, le jeudi 5 février, avec des œuvres de Hugues Dufourt et Brian Ferneyhough, et avec le quatuor Arditti, le vendredi 19 juin, dans un programme réunissant Philippe Schoeller, Arnold Schönberg et Denis Cohen.



Crédits photographiques : Christian Izorce
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Zoom sur StreicherKreis...

... Nouvelle création de Florence Baschet

Proposée en troisième œuvre, juste après l’entracte, StreicherKreis constituait, du point de vue de sa réalisation, une étape particulière de ce programme. Cette œuvre pour quatuor à cordes et dispositif de « suivi de gestes » est le fruit d'une collaboration de deux ans entre une compositrice, Florence Baschet , et une formation, le Quatuor Danel, qui se connaissaient peu au départ.

Aujourd’hui, chacun apprécie pleinement le travail effectué en commun, qui repose tout à la fois sur l’implication du quatuor dans la durée, et sur l’intégration dans le processus créatif de la gestuelle développée par les musiciens au cours des répétitions. Dommage que le montage final de l’œuvre n’ait pu s’étendre que sur un jour et demi ! Compte tenu de la difficulté de l'œuvre, il s'agit tout simplement d’un exploit.

Œuvre se voulant fédératrice par son titre, puisque s’adressant au «cercle de ceux qui jouent des instruments à cordes frottées», elle tire l’essentiel de sa matière de l’acte de composition en lui-même, et de l’incorporation des gestes des instrumentistes dans celui-ci. Il s’agit donc d’un programme de musique abstraite, pour ne pas dire un «exercice de style», sans rattachement avec une thématique extérieure, mais élaboré très concrètement avec des musiciens.

Chaque instrument du quatuor est muni d’un capteur de pression inséré au niveau du chevalet. Tous les instrumentistes sont équipés en outre d’un capteur de mouvement (inclinaison, vitesse), fixé au poignet de la main tenant l’archet. Ces capteurs fournissent les signaux d’entrée à un module informatique de «suivi du geste», permettant de se repérer dans la partition en déroulement. Mais il permet aussi aux musiciens, de manière individuelle ou collective, en fonction de la manière dont ils attaquent et frottent leurs cordes, d’actionner et de modeler les transformations sonores voulues par le compositeur. S’il est universellement vrai que deux interprétations d’une même œuvre sont toujours différentes, cette constatation est ici érigée en principe dans la manière même dont la pièce est conçue.

Au fur et à mesure de la création de l’œuvre, la gestuelle des musiciens répétant les sections de l’œuvre fut donc captée et archivée de manière à fournir les éléments de déclenchement des «effets», travaillés ensuite par Florence Baschet et Serge Lemouton, réalisateur en informatique musicale. Et les fruits de ce travail furent patiemment réinjecté dans l’œuvre en devenir, jusqu’à ce qu’elle prenne sa forme finale.

Au programme des effets sonores utilisés par la compositrice : spatialisation du quatuor dans la salle de concert, travail sur la granulation des sons, effets d’irisation obtenus par harmonisation micro-tonale de séquences, introduction de réverbération et de distorsion. Le tout étant réalisé par des modules de calcul temps réel embarqués dans le logiciel Max, fleuron de l’ingénierie informatique de l’Ircam. Florence Baschet est ici dans son élément, sa filiation avec le compositeur Philippe Manoury et son parcours personnel en font une spécialiste des intéractions entre musique vivante et dispositifs informatique et électroniques en temps réel.

Si StreicherKreis est une œuvre «technique», elle ne néglige pas pour autant le sens du beau et de la tension musicale. C’est ainsi que la pièce s’ouvre sur une exposition lumineuse et sensible des mouvements glissants d’archets sur les cordes. La construction en spirale de la pièce permet ensuite à chaque instrumentiste, puis à l’ensemble du quatuor, d’agir sur tout ou partie des sons produits.

Il s’agissait ici pour Florence Baschet de trouver des modalités expressives de transformation des sons par les gestes, et non de créer des lignes instrumentales virtuelles séparées qui viendrait se juxtaposer au quatuor. Effectivement, à aucun moment l'électronique ne prend le pas sur le motif musical, mais elle en constitue une extrapolation parfaitement intégrée. A l’écoute, on aurait même bien du mal à imaginer la complexe cinématique du dispositif sous-jacent. Il reste que l'œuvre alterne des passages recueillis et des mouvements d’une très grande complexité. On aurait peine à cacher qu’il s’agit d’une musique savante et exigeante, tant pour les interprètes que pour le public, à tout le moins en première écoute. Mais le résultat emmène l’auditeur dans une exploration ultime et fascinante de la matière sonore. Une approche chère à de nombreux compositeurs des 20e et 21e siècles.



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Quatuor Contemporain volume I : Démanché !

Premier concert Ircam du cycle consacré au quatuor à cordes - Saison 2008-2009


Depuis sa fondation en 1969 sous l’impulsion de Pierre Boulez, l’Ircam (Institut de Recherche et de Coordination Acoustique/Musique) n’a cessé d’œuvrer aux développements technologiques liés à l’expression musicale, a encouragé de nombreuses vocations de compositeurs grâce à ses cursus de formation, et a suscité la création d’un nombre incalculable d’œuvres d’avant-garde. La saison événementielle 2008/2009 de l’Ircam à débuté en octobre dernier. Elle associe concerts, colloques et rencontres autours d’auteurs ou de technologies (voir par exemple l’article sur la présentation du système WFS).


Le 13 novembre dernier était donné le premier concert d’un cycle consacré au quatuor à cordes. Quatuor I : démanché ! convoquait le Quatuor Danel en la salle de projection de l’Ircam, dans un programme associant deux créations et deux œuvres existantes. Certaines de ces pièces faisaient appel à un dispositif électroacoustique destiné à enrichir la forme traditionnelle du quatuor. L’occasion pour Signal sur Bruit de se pencher sur les aspects artistiques et techniques de ce programme.


Le concert - Jeudi 13 novembre, 20 h 00, Ircam, Salle de Projection


En introduction du concert, Orbis Tertius de Sebastian Rivas, jeune compositeur franco-argentin actuellement en résidence à l’ensemble Multilatérale. Commencé dans un souffle, Orbis Tertius donne immédiatement à entendre un matériau sonore inouï et futuriste d’une saisissante clarté. Futuriste, mais évitant magistralement les artefacts sonores improbables au goût de science-fiction de série B, Orbis Tertius étonne par l’avant-gardisme du propos et la maturité de sa forme. En effet, «l’augmentation» du quatuor par l’électronique donne lieu chez Rivas à une forme très audacieuse, exerçant sans répit la curiosité, voire l’incrédulité de l’auditeur. S’aventurant soudain en son milieu dans les territoires abrupts de la saturation, la pièce se développe par glissements successifs en un furieux et strident unisson auréolé d’un fin brouillard bruitiste qui se répand dans la salle en petites bouffées. Une musique touffue, brute mais cristalline, que l'on aimerait écouter encore et encore afin d'en pénétrer les multiples strates.

Drôle et menaçant, plaintif et réjouissant, éprouvant pour les musiciens mais gai aussi, alternativement léger et pesant, subtil mais déterminé : Tracés d’Ombres de Franck Bédrossian est tout cela à la fois. Une écriture superbement inventive pour un quatuor «traditionnel», dépourvu d’électronique, et qui explore sans complexe de nombreux modes de jeu : glissandi, pizzicati et autres démanchés. On y admire le volontarisme sans retenue de Marc Danel, premier violon, qui impose à l’ensemble les directions sans cesse changeantes de cette œuvre à la fois déroutante et familière, souvent drôle. Un silence tout particulier parcourt alors la salle, qui semble comme retenir son souffle, presque hébétée.

En une véritable épreuve de force, les Danel, décidemment pas avares, puisant probablement dans leurs dernières réserves d’énergie, concluent le concert par le Neuvième Quatuor de Wolfgang Rihm, compositeur allemand des plus prolixes (plus de trois cent cinquante œuvres à son actif). De facture apparemment plus classique, ne faisant pas non plus intervenir l’électronique, ce 9e quatuor est néanmoins une pièce très moderne et tendue, toute entière traversée d'une inquiétante présence. Dissonances et arythmies y sont nombreuses. Sorte de synthèse entre les anciens et les modernes, dépassant les clivages entre l’avant-garde brute et la tradition, le langage de Rihm s’illustre de réminiscences classiques, et joue de leur confrontation avec des schémas hors norme, qui «jaillissent comme des gerbes d’éclairs et conduisent à des formulations éclatantes» (Josef Häusler, propos repris de la note de programme).



Zoom sur StreicherKreis de Florence Baschet