J’avais découvert Lisa Spada au festival jazz d’Enghien-les-bains il y a deux ans. Elle assurait la première partie de Carla Bley et était parvenue à galvaniser la salle d’une bonne dose d’énergie soul. Elle en fut d’ailleurs récompensée par le prix SACEM Découverte Jazz Vocal Feminin.
Elle délivre la même énergie dans ses plus récents concerts au sein de Third Shot, groupe qu’elle a monté en 2006 avec le contrebassiste Gaël Maffre.
Third Shot a sorti son premier album en 2008, au titre doux-amer The way you smile when you leave. Il a été réalisé en auto-production par le duo fondateur, accompagné de Laurent Avenard (guitare), David Lamy (batterie), Christophe Mondot (piano) et Ulrich (chœurs).
Ce disque est tout d’abord un très joli objet, packagé avec goût, grace au talent tout en légèreté de la graphiste Flora Gressard.
Mais c’est surtout un bien bel objet sonore, dont s’échappe une manière d’électro-soul planante, évidemment non dénuée de caractère rythmique. De la «Nu-Soul» selon les spécialistes…
On y apprécie tout d’abord la voix de Lisa Spada, douce mais articulée, un peu brillante parfois, toujours expressive et parfaitement à l’aise avec la langue anglaise. Puis le sens du groove et la dextérité du contrebassiste Gaël Maffre. On aime les compositions en elles-mêmes, qui ont presque toutes une saveur de (mini-)tubes à l’esthétique quasi-radiophonique (bonne radio libre, s’entend !). Et aussi le décor sonore déployé par les programmations travaillées, mais qui restent toujours d’une parfaite sobriété.
Voila donc un album qui unit avec délicatesse la sensualité d’une voix, le timbre naturel de la contrebasse, et des artefacts sonores plus «tendance», mis en espace avec intelligence. Pour situer l’esprit de la chose, osons écrire que le titre «Sunday Morning» évoque la Madonna des meilleurs moments (l’album Ray of Light). Ou citons la chanson «Blue Flavour», que l’on croirait juste écrite pour Lisa par un certain… Prince. Tout cela est d’assez bon augure ! Mais le disque ne contient que des compositions originales, plutôt bien ficelées et au caractère étrangement familier.
Pour un premier disque, la réalisation (due à Rémi Durel du Studio de la Cave) est à la hauteur ! Il ne s’agit pas d’une savante démo, mais bien d’un vrai disque enregistré et mixé avec soin. La contrebasse ne souffre ni d’embompoint systématique, ni d’atrophie particulière. Sa tonicité et sa fermeté sont à citer en exemple sur le très beau titre de conclusion «When you leave» (d’ailleurs parfaitement positionné dans l’album). Les gimmicks sonores dont sont parsemés les morceaux sont toujours précisément situés dans l’espace, les effets de lointain ou de réverbération sont parfaitement dosés et apportent sans ostentation un constant degré de profondeur au mixage. On citera à ce propos le morceau «Muse», à l’intro énigmatique et lancinante, chanté par Gaël. Ma seule vraie réserve portera sur la captation des voix, légèrement brillante, presqu’un peu désincarnée sur certains morceaux. Un parti pris d’enregistrement peut-être, pour le côté «acidulé» que cela confère aux morceaux …
Attention : sans qu’il n’y paraisse au premier abord, cet album est contagieux ! Il s’insinuera en douceur dans l’esprit de l’auditeur, qui se surprendra bien vite à en fredonner les airs à tout moment de la journée. Le talent de mélodistes de notre duo et leur science de la présentation y sont bien pour quelque chose !
Acquérir ce disque, c’est acheter un petit échantillon de bonheur musical à usage personnel, dont il ne faudra pas tarder à faire profiter son entourage ! Mais en respectant les droits fondamentaux des artistes, bien entendu. Il suffira pour cela de le commander en ligne sur la page myspace de Third Shot.
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