Origine : Angleterre – prix : 3000 € - Distribué en France par Triode & Compagnie
Contempler l’intérieur d’un appareil Audio Note - et particulièrement un lecteur CD ou un convertisseur N/A – est un exercice favorisant l’introspection…
Que de vide !
Et que dire des principes techniques sous-jacents ? Songez qu’ici, on travaille sous 16 bit à la fréquence originale du CD (44,1 kHz), sans suréchantillonnage, sans filtrage numérique ni pratiquement de filtrage analogique en sortie !
Le moins que l’on puisse dire est qu’il s’agit d’une philosophie… qui consiste à privilégier le choix des composants (résistances surdimensionnées au tantale et condensateurs maison par exemple) à la mise en œuvre de technologies sophistiquées. Ca se discute ! Il est certain que les bits et échantillons surnuméraires générés une machine utilisant le suréchantillonnage ne peuvent l’être qu’à partir des échantillons originaux, qui sont eux les seuls vrais restes du message analogique initial. Dans une certaine mesure, on sait que suréchantillonnage et filtrage numériques ne sont là que pour faciliter le filtrage analogique, et également pour étaler le bruit de quantification - pour diminuer, en apparence, le rapport signal/bruit dans la bande audible. Mais les erreurs du codage analogique-numérique ne peuvent jamais vraiment être rattrapées. Voila pour la «légèreté» apparente de cette machine, dont le circuit analogique de sortie fait tout de même appel à une double triode miniature référence 6111WA.
La finition de ce lecteur est quant à elle fidèle à l’esprit de la marque : une discrète façade en aluminium brossé comportant le tiroir CD à gauche, un grand afficheur électroluminescent bleu à droite, souligné des cinq touches de commande canoniques. La mécanique est d'origine Philips L1210. On ne peut faire plus simple. La connectique est du même acabit : une simple paire de connecteurs RCA, pas de sortie numérique. Le lecteur CD 2.1 X Mk II constitue un tout savamment épuré, à prendre ou à laisser !
Ecoute
Le disque Live à Vienne du trio jazz de Frédéric Alarie (paru chez Fidelio records) est un modèle du genre : outre ses qualités purement artistiques, la prise de son affiche tout à la fois naturel, large bande, précision et sens du swing. La restitution qui en est donnée par le lecteur Audio Note est magistralement modulée et chantante. Au moment où débute cette écoute, on peut néanmoins lui trouver une petite tendance à l’abstraction, le saxophone de Kelly Jefferson paraissant en effet dégraissé à l’extrême. La balance tonale présente manifestement un creux dans le bas médium, et le registre grave affecte un relatif manque d’ampleur. Mais par rapport à notre référence multistandard à 4000 €, le lecteur Audio Note fait déjà preuve d’une expressivité et d’un pouvoir de séduction sensiblement supérieurs.
Les pièces de la Suitte d’un goût étranger de Marin Marais sont présentées de manière fort claire et détaillée, mais également de manière très musicale. Néanmoins, l’équilibre de ce lecteur reste ascendant, et la basse de viole manque dans l’absolu d’un peu de corpulence. Mais la restitution est d’une légèreté et d’une chatoyance très agréables, car même avec ces instruments aux timbres un peu «verts» (la plupart des instruments de cet enregistrement sont de facture ancienne), aucun excès d’acidité n’est à déplorer. L’interprétation donne la sensation d’une très grande clarté, elle suggère un doux et bel éclairage baignant un lieu d’enregistrement choisi aussi pour son histoire. L’abondance de micro-informations est effectivement présentée avec beaucoup de subtilité, mais sans aucune insistance marquée.
En dépit de ce petit manque d’incarnation déjà constaté, le lecteur Audio Note ne fait jamais oublier que des musiciens sont derrière les instruments. Leurs gestes, leur souffle est immanquablement présent sans être surdéfini, ce qui favorise une belle impression de proximité avec le fait musical. Ajoutée à une lisibilité assez poussée des seconds plans, le pouvoir d’entraînement et de conviction de ce lecteur est manifeste bien que distillé d’une manière assez particulière, dans l’esprit maison d’autres réalisations de ce constructeur.
A l’occasion, la relative prééminence du registre haut-médium pourra faire ressortir quelques sibilances (sur la clarinette et la voix de Suzanne Abbuehl dans son magnifique April). Dans l’absolu, le piano accuse d’ailleurs un léger détimbrage, presque un peu frustrant pour qui connaît l’attention portée aux conditions de jeu et de prise de son qui président à l’enregistrement d’un disque ECM. La scène stéréophonique est en revanche bien ouverte, même si sa profondeur reste légèrement en retrait sur sa largeur, et elle s’affranchit bien de la position réelle des enceintes. Il est vraiment dommage que ce lecteur ne descende pas un peu plus bas dans le grave, cela contribuerait sans doute à en améliorer également le pouvoir d’analyse tridimensionnel. De nouveau, l’accent est véritablement mis sur le pouvoir mélodique et l’expressivité du message, et l’esthétique sonore douce et chantante va certainement séduire plus d’un amateur de vraie musique.
Sur l’orchestre, l’analyse des cordes est très fouillée et rehausse d’une jolie lumière tous les passages pianissimi, parfois un peu privés de ciselé avec des lecteurs d’un prix équivalent. La dynamique bien maîtrisée et la totale absence d’agressivité sur les attaques met à l’abri des déconvenues conduisant à baisser brusquement le niveau d’écoute pour cause d’irritation. Il faut d’ailleurs noter qu’après quelques heures de rodage intensif, la restitution gagne sensiblement en ampleur, avec des forte manquant maintenant juste un peu de corpulence.
Pour conclure, l’écoute de quelques morceaux choisis de l’incontournable bien que déjà ancien album OK Computer de Radiohead nous réserve une très bonne surprise. A niveau d’écoute moyen-fort, la restitution met bien en valeur tout le travail de production complexe dont a bénéficié cet opus. Sur Karma Police, la voix de Thom Yorke bénéficie par exemple d’effets étranges de réverbération rarement détaillés à ce point. On est de nouveau ici assez loin d’une reproduction hyper-large bande propre à ébranler les fondements de la pièce d’écoute. Mais pour qui s’intéresse à ce qui peut faire toute la richesse mélodique, harmonique et conceptuelle d’un disque, le lecteur Audio Note est incontestablement un vecteur privilégié. Cette exposition du détail reste toujours parfaitement souple et fluide, comme animée d’un souffle intérieur très humain, constamment posé au service de l’émotion comme en témoigne la version poignante d’«Exit Music».
Conclusion
A l’image d’autres produits Audio Note, ce lecteur CD constitue une interprétation particulière de la source numérique. Dire que le message qui s’en échappe possède toutes les vertus d’un signal analogique serait mentir. Mais on reconnaît bien ici la patte du concepteur, et la philosophie de la marque très orientée vers l’obtention d’une restitution fruitée, articulée et chantante. A notre avis, le lecteur CD 2.1 X - II nécessite une bonne période de rodage avant de donner le meilleur de lui-même, avant d’acquérir la consistance minimale permettant d’en jouir sans modération.
Quoiqu’il en soit, ce lecteur n’est pas neutre ! Il s’agit d’un produit de caractère, et qui ne plaira certainement pas à tous. Il présente néanmoins d’indéniables qualités : même si cela n’est pas suffisant pour certains, la luminosité du médium et de l’aigu apporte au message une délicatesse et une précision assez rares sur un appareil de ce niveau de prix. L’écoute vivante qu’il délivre se situe aux antipodes du spectaculaire et du clinquant, mais contribue à bien souligner toutes les subtilités et le caractère humain d’une interprétation.
Spécifications constructeur
- qu'importent les indications de bande passante, de rapport signal/bruit et de taux de distorsion... Chez Audio Note, ces informations ne sont tout simplement pas fournies !
- Dimensions (mm) : 440 (L) x 91 (H) x 235 (P)
- Poids : 7 kg
Configuration d'écoute
- Amplificateur : préampli ATOLL PR300 et ampli ATOLL AM200
- Enceintes : TOTEM Staff et KELINAC MG 511
- Câblage : MPC Evidence (modulation) et Abyss (enceintes)