lundi 11 février 2008

Platine tourne-disque AVID Volvere


Origine : Angleterre - Prix (hors bras et cellule) : 5500 € - distribuée en France par Musimages




Saluons comme il se doit la nouvelle enthousiasmante de l’arrivée en France de la marque Avid, nouvellement importée par un professionnel apprécié pour sa grande compétence, et qui n’est autre que l’importateur officiel de ProAc et de Sim Audio. Avid est une marque anglaise créée en 1996 par Conrad Mas, principalement orientée dans le domaine audio vers la fabrication de platines tourne-disques. Mais cette entreprise fournit également ses services d’ingénierie mécanique à des sociétés opérant dans les domaines médicaux, robotique et de défense. La gamme audio Avid comprend donc aujourd’hui une platine d’entrée de gamme baptisée Diva, le modèle Volvere S4 écouté ici, sa version améliorée dite Volvere Sequel S2, et les deux versions du modèle haut de gamme, l’Acutus. Cette gamme se complète d’un meuble hifi sophistiqué, l’Isoschelf, d’une plaque de découplage, de quelques accessoires et câbles (modulation et enceintes). Et s’il on en croît certaines sources, il n’est pas exclu qu’Avid s’investisse aussi dans les autres compartiments de la chaîne audio.

Une conception où tout a été remis à plat

La platine Volvere écoutée ici se présente sous la forme d’un très bel objet futuriste à la conception aérienne mais puissament réfléchie.

Un socle tout aluminium de forme triangulaire reçoit le bloc moteur à très fort couple et son circuit d’alimentation. Y sont enchâssés trois piliers définissant un triangle équilatéral et abritant un système complexe de suspension utilisant ressort (selon l’axe vertical) et courroie (suivant l’axe horizontal). Compte tenu de la masse du plateau (près de 7 kg), ce dispositif présente des fréquences de résonnance très basses d’environ 4 Hz. Il permet aussi de maintenir constante la distance entre l’axe du moteur et le plateau, réduisant quasiment à néant toute éventualité de pleurage et scintillement. La base des piliers se termine par une grosse molette réglable permettant la mise à niveau parfaite de la machine. La contre-platine suspendue est constituée d’une pièce en fonte d’aluminium réalisée d’un seul tenant, en forme de flèche (vue de dessus). Le plateau lui-même réalisé d’une seule pièce en aluminiun est recouvert d’un disque de liège collé. Il vient s’appuyer sur un «moyeu» conique de fort diamètre. Il s’agit ici d’une conception à palier inversé, ce moyeu accueillant en son centre évidé une coupelle en rubis reposant sur un axe en acier terminé par une bille tungstène. La courroie de section ronde prend appui sur une forme de contre-plateau usinée sur la face inférieure du plateau, ce qui rend d’ailleurs le montage de la platine impossible s’il on est seul.

Il s’agit donc d’une conception très saine faisant la chasse à toutes les formes de vibration. La suspension non amortie assure visiblement un découplage très efficace par rapport aux vibrations extérieures. Le palet presseur spécialement dessiné assure à la fois la planéité du disque et son couplage rigide au plateau. A ce titre, la Volvere bénéficie d’une des caractéristiques essentielles des platines Avid : la distance entre le centre du disque et le point de rotation est très faible (4 mm). La conception même du plateau et son interfaçage mécanique avec le disque permet aux vibrations générées par la pointe de lecture d’être évacuées rapidement vers la contre-platine grâce à cette «mise à la terre mécanique». Par ailleurs, en vertu du principe d’action et de réaction, des vibrations de même amplitude sont transmises en opposition de phase au bras de lecture, et sont également dirigées vers la contre-platine, où elles se dispersent en s’annulant avec les précédentes.

Le bras est monté directement sur la contre-platine afin d’assurer une intégrité mécanique maximale. Tous les types peuvent être montés sur cette platine, mais le modèle écouté était équipé d’un bras Rega rega RB700 (et d’une cellule Dynavector DV20X). Son esthétique s’harmonise parfaitement à celle de la platine et nous connaissons bien ses qualités, mais il constituait sans doute ici le maillon limitatif de l’ensemble.

A noter qu'une protection transparente est disponible pour ce modèle.




Ecoute

L’écoute d’une platine TD permet de ressortir avec plaisir de vieilles galettes. Au nombre de nos préférées pour une écoute critique : Aux Armes et caetera de Serge Gainsbourg. Son abondance d’informations à basse fréquence permet d’analyser le comportement des mécaniques et leur sensibilité à l’accrochage larsen. Ce premier test est ici parfaitement concluant : la lisibilité de la ligne de basse est parfaite, le travail d’isolation réalisé par la suspension est de tout premier ordre. L’interprétation des morceaux est globalement vive et franche, et traduit une régularité de rotation à toute épreuve. La fermeté de certaines descentes de toms reste néanmoins perfectible. Mais ceci est de toute évidence à porter au débit du bras. Il reste que la restitution, très alerte, paraît quand même un peu compacte du point vue dynamique. Les voix sont présentées avec beaucoup de douceur mais sans effet d’empiètement sur les autres registres.

Passons à un très bel album de Joni Mitchell, Clouds, enregistré dans les années 70. La restitution évite savamment tout d’effet d’accrochage sur la voix de la chanteuse. Bien que haut perchée, cette voix reste toujours douce et magnifiquement modulée. Les différences de prise de son entre les morceaux de ce disque acoustique à très faible effectif sont étonnement révélées, et le positionnement de la chanteuse et de sa guitare sont sur chaque morceau d’une extrême précision.

L’écoute d’œuvres symphoniques et d’opéra permet une fois de plus de bien caractériser les points forts de la lecture vinyle : ampleur de la scène sonore et séparation des pupitres sont dignes des meilleures machines phonographiques. La platine Avid ouvre en effet une scène sonore large et profonde, dans laquelle de nombreux objets sonores sont immédiatement localisables. Ils sont également présentés avec beaucoup d’aération et accompagnés d’une excellente définition d’ambiance de salle. Le grain instrumental est savoureux, et la musicalité globale du message de très haut niveau. Avec la cellule Dynavector, la restitution fait en permanence preuve d’une cohérence très étudiée, sans aucune zone de surdéfinition, ni de mise en avant d’un registre particulier.

Conclusion

L’objet est beau, arbore une finition exemplaire, et constitue une interprétation radicalement novatrice d’un maillon devenu presque antique, mais vers lequel les amateurs se retournent aujourd’hui. Incontestablement, la platine Avid Volvere S4 constitue une base de lecture très saine, dont le concept est incroyablement fouillé, dont chacun des éléments constitutifs a été pensé dans le seul but d’optimiser la lecture des disques. Mais c’est également un produit revendu quelques 5500 € sans bras ni cellule, et qui doit donc tenir compte d'une forte concurrence internationale. Pour en tirer la quintessence, et quitte à alourdir un peu la facture, il na faudra pas hésiter à l’équiper d’un bras de haut niveau. Le jeu en vaut la chandelle. Il conviendra sans doute d’opter pour un modèle à roulements plutôt que pour un unipivot, vu la liberté d’oscillation de la suspension. Quoiqu’il en soit, l’expérimentation s’impose. Et c’est à cette condition que la supériorité du design Avid devrait éclater au grand jour !

Spécifications constructeur

- Type : Platine suspendue à entraînement par courroie
- Vitesses : 33,3 and 45 tr/mn,
- Montage de bras : type SME/Linn en standard - adaptable à d’autres marques
- Moteur : synchrone 24 V à fort couple (55mNm), construit à la main
- Dimensions : 450 x 480 x 500 (L x P x H)
- Poids total : 13,4 kg

Configuration d'écoute

- Préampli BURMESTER 035 – Ampli BURMESTER 036
- Enceintes : KELINAC 511 mg
- Câblage : MPC Evidence (modulation) et MPC Abyss (enceintes)





lundi 4 février 2008

LINN Klimax DS


Origine : Ecosse - Prix : 15 000 € -
Distribué en France par Linn France


Un OVNI atterrit sur la planète terre !

Objet d'un genre plutôt nouveau, le Klimax DS est un décodeur de fichiers numériques musicaux compatible avec une pleïade de formats : Studio Master (fichiers de haute résolution en 24 bits - 96 ou 192 kHz), FLAC (le format CD standard 16 bits - 44,1 kHz en compression sans perte) , WAV (le même, non compressé), MP3 (à différents taux de compression) et Radio Internet. Il est destiné à être inséré au sein d'une installation comprenant en outre un routeur ethernet, une ou plusieurs unités de stockage (disques durs stand-alone) et un PC de commande.

Une rencontre du 3ème type

La découverte auditive du Linn Klimax DS en comparaison instantanée avec le fameux lecteur CD12 du même constructeur, s’imposait tout naturellement !

C’est avec le célèbre et incontournable disque de Hadouk Trio Baldamore que j’ai commencé l’arbitrage de ce duel. «Hijaz» est le premier extrait écouté dans le cadre de ce match au sommet. Après l’écoute attentive effectuée sur un gros système Linn multiamplifié avec pour source le lecteur Linn CD12, on passe sans plus tarder au Klimax DS.

Pour moi, le gain est immédiat en termes d’ambiance de salle. C’est ensuite la ligne de basse qui paraît plus alerte, plus déliée. Mais je dois avouer que cette toute première comparaison, bien que révélatrice, ne me paraît pas d’un contraste renversant. «Très significatif» serait plus adapté. Il faut dire que le disque est une très récente production, et que son mastering et son pressage ont été réalisés avec beaucoup de soin. La surprise viendra quand même, dans le cadre du retour arrière, c'est-à-dire en revenant du Klimax DS vers le CD12. Il est vrai que dans ce sens, les différences entre appareils de niveaux sensiblement différents sont souvent révélées de manière cruelle. Et là, c’est bien le cas ! Entre autres choses, la dynamique globale du morceau, son «groove», viennent de prendre … une bonne claque … c’est à ce point !

Inutile de dire que la longue soirée que j’ai passé avec cette merveilleuse source a vu se succéder de nombreux morceaux, presque tous écoutés entièrement (c’est un signe !). Sur «O Solitude», de l’exceptionnel Music for a while (Henry Purcell – par Alfred Deller) le passage du CD12 au Klimax DS s’accompagne immédiatement d’une remontée du souffle ! Ah bon… mauvaise nouvelle ? Du tout ! Car il s’agit bien là du souffle naturel, analogique, contenu dans l’enregistrement original, et donc bien présent sur le CD, mais quelque peu escamoté par le CD12.

Première conclusion de "psycho-acoustique" sommaire et phénomène bien connu des amateurs : l’oreille humaine (suivie de tout le système cérébral de l’audition) se saisit de ce qu’on lui donne, et lorsqu’il s’agit du meilleur, s’en satisfait immédiatement, presque avec désinvolture. C’est ainsi que placé face à un tel système depuis seulement quelques minutes, l’auditeur même exigeant finit par tout trouver très normal … jusqu’au moment où l’on repasse de l’exceptionnel au seulement excellent, qui paraît du coup presque plat !

Évidemment, ce souffle n’est pas la musique, mais ce qui est valable pour cette information l’est heureusement pour d’autres. Avec cette remontée du souffle, c’est donc aussi un bon nombre de détails qui apparaissent, à commencer par ceux liés à l’acoustique et à l’ambiance de la salle, bien plus évidentes à percevoir avec le Klimax DS. C’est également l’extinction des notes qui est repoussée beaucoup plus loin dans le temps et l’espace. Il en résulte le caractère accru de souplesse et de fluidité du message. La modulation de la voix d’Alfred Deller est d’une plus grande évidence, et comme éclairée d’une nouvelle lumière satinée. Toute coloration électronique semble absente de cette voix. Il devient même possible de discerner certains points de montage dans quelques morceaux de ce disque.

Restons encore un peu avec Purcell, car le temps semble s'écouler avec langueur. Effectivement, certains rythmes semblent plus lents à l’écoute du Klimax DS. Il se passe ici ce que l’on constate souvent lors de la comparaison instantanée entre deux sources de qualité sensiblement différente. Sur des morceaux calmes, le tempo paraît de prime abord avoir ralenti avec la meilleure source. Tout simplement parce que la tenue des notes est aussi bien meilleure ! Bien entendu, personne n’a effectivement ralenti le rythme du morceau, mais avec le Klimax DS les traits d’archets durent sensiblement plus longtemps. Comme si l’interprète effectuait un geste plus accompli, plus harmonieux, plus musical en lui même. La réverbération prolongée des notes est également responsable de cette perception. L’accompagnement clavecin et basse de viole atteint avec le Klimax une qualité de fluidité, de respiration et de brillance absolument exceptionnelles. Songeons donc qu’une source telle que le CD 12 paraîtrait même terne, comprimée et contrainte par comparaison ! C’est un comble !

Avec le DS, l’impression d’être plongé au cœur de l’événement est magistrale : en passant à Ella & Duke at the Côte d’Azur (!), enregistré en Juillet 1966 à Juan les Pins. Tout est sur ce disque désarmant de naturel. Pourtant, tout excellent qu’il soit, cet enregistrement accuse son âge, par une certaine sécheresse pourrait-on dire, et par l’apparente fausseté des timbres de certains instruments, dont le piano.

Mais sur notre système du jour, c’est bien le mot «naturel» qui vient de suite à l’esprit. La sensation d’y être est déjà grande avec le CD12. Elle est encore améliorée par passage au Klimax DS. La scène sonore gagne dans toutes les dimensions, et particulièrement en profondeur. Les attaques au piano sont fulgurantes, et le timbre de celui-ci s’est soudain enrichi. L’instrument est bien consistant, et perd pour ainsi dire la teinte un peu caricaturale de «piano saloon» qu’il peut avoir sur des systèmes de moindre qualité. Pourtant, il s’agit toujours du même instrument, et probablement pas du meilleur Steinway qui puisse se trouver ! Mais l’attention de l’auditeur est résolument attirée par le jeu même, plus que par l’apparence des choses. Autre impression troublante, les musiciens jouent beaucoup plus ensemble et sont plus gais, plus volubiles : dynamique et expressivité sont complètement libérées.



L'interface informatique Linn GUI

Pour autant, je n’irais pas jusqu’à dire que la restitution est devenue
totalement analogique. Mais entendons-nous bien : le niveau de qualité sonore et musicale atteint ici est superlatif, car pratiquement dénuée des artefacts habituels de restitution, qu’ils soient analogiques (exception faite de l’éventuel souffle) ou numériques. Nous atteignons donc clairement ici un sommet de bonheur auditif. Dans l’absolu, je pense néanmoins qu’une source analogique de haut niveau est capable d’aller encore plus loin dans les effets de présence pure, de révélation du grain instrumental … mais c’est vraiment pour couper le décibel en quatre, je vous l’accorde ! Cette signature numérique extrêmement ténue du Klimax DS, si elle est encore perceptible, va d’ailleurs dans le sens non pas d’une quelconque agressivité ou froideur, mais d’une impression de très subtil polissage des sons, rendant peut être les choses un tout petit peu plus scintillantes que nature. Mais c'est tellement bon !

Conclusion

Le Klimax DS parvient sans peine à remplir les deux fonctions essentielles que l’on attend d’un très beau maillon audio : outre une reproduction sonore en très haute-fidélité, il offre à l’auditeur l’assurance d’un plaisir et d’une curiosité d’écoute sans cesse renouvelés. Car après tout, sommes-nous toujours sûrs de connaître le timbre réel des instruments originaux d’un enregistrement ? Certes non, et même … presque jamais ! Seuls les ingénieurs du son et les musiciens eux-mêmes le connaissent, et encore, ils le perçoivent d’une manière toute différente de celle du public. En revanche, la fascination pour la redécouverte d’un disque bien connu, écouté sur un système d’une transparence et d’une musicalité supérieure, est un phénomène bien réel et appréciable, connu de tous les audiophiles.


Il est tout à fait ahurissant de constater ce que le fait de s’abstraire des problématiques de lecture temps réel du CD peut apporter en termes de surcroît de musicalité. Il est vrai aussi que les étages de conversion N/A du Klimax DS sont loin d’être bâclés. Cela étant, ceux du CD 12 ne l’étaient pas non plus ! Il faut donc bien accepter ce fait : même avec des mécaniques de haut vol, la lecture même des CD semble encore être le goulot d’étranglement de la reproduction numérique. Sauf à pouvoir lire et relire le même passage d’un disque jusqu’à rejoindre la certitude absolue d’une copie conforme, ce qui exclut malheureusement toute possibilité d’écoute en temps réel.

Bien que ce ne soit pas l’objet central de cette écoute, j’ajoute que les quelques extraits «haute-résolution» (c'est-à-dire en codage 24 bits/96 kHz) écoutés (et comparés immédiatement à la version 16 bits/44 kHz) n’ont finalement pas révélé le même gap qualitatif que le passage du CD12 au Klimax DS avec des morceaux en résolution standard. Ceci est en soi assez troublant. Car une telle expérience tendrait à prouver que tout «limité» qu’il soit en théorie, le format 16 bits/44 kHz du CD Red Book souffre surtout de sa mise en œuvre mécanique. Mais avec cette superbe machine qu’est le Klimax DS, des comparaisons plus fouillées entre différents formats d’enregistrement devraient bientôt suivre. Elles apporteront sans doute leur lot de nouvelles surprises.

Il reste que, pour tout exceptionnel qu’il soit, le Klimax DS – qui peut par ailleurs se prévaloir d’avoir été l’un des tout premiers serveurs audionumériques de très haut de gamme lancé sur le marché – reste à mon sens handicapé par son prix, et par la nécessité d’une configuration un peu compliquée nécessitant PC, routeur et disque dur externes. Par ailleurs, à la date de cette écoute, l’ergonomie du système reste perfectible et l’on déplore notamment l’absence de visualisation des pochettes des CD reportés et écoutés. Insuffisance que Linn devrait combler dans les mois qui viennent…


La face arrière du Klimax DS