Origine : Allemagne – Prix de la version complète avec bras TR 9.1 et cellule MC Transrotor Cantare : 4000 €
Un peu d’ésotérisme ?
A la rédaction de Signal sur bruit, nous adorons faire tourner les tables… de lecture entendons-nous ! Et comme nous le rappelons régulièrement dans ces colonnes, l’offre en la matière est aujourd’hui rien moins que pléthorique.
Mais à côté des classiques allemandes, des nouvelles Thorens et autres Clearaudio, qui connaît vraiment la marque Transrotor ? Il s’agit pourtant d’une marque allemande fondée dès 1971 par Jochen Räke, ingénieur mécanicien mais également électronicien passionné d’audio, initialement importateur des produits Michell outre-Rhin. Jochen se lance en 1982 dans la réalisation d’un modèle baptisé Rotary, devenu plus célèbre sous le nom de … Michell Gyrodeck.
C’est en 1986, pour répondre à une importante commande du groupe Gründig, que la marque Transrotor acquière une véritable dimension industrielle et commence à diversifier sa gamme. Cette marque dont le succès en Allemagne ne s’est jamais démenti propose aujourd’hui une gamme de plus d’une quinzaine de modèles tous évolutifs, culminant avec des machines aux poids et aux prix stratosphériques (les platines Tourbillon, Quintessence, Gravita et Artus). Dans sa version de base, le modèle Fat Bob S s’inscrit en entrée de cette gamme foisonnante, mais peut évoluer vers une configuration très haut de gamme (Fat Bob Reference).
Cet imposant objet dégage immédiatement une impression de grande classe. Imposant (le châssis et le plateau en aluminium chromé font respectivement 40 et 60 mm d’épaisseur), mais finalement assez compact, car seuls le support de bras et le bloc moteur dépassent de ce beau cylindre de 25 kg.
Le montage de la platine n’est pas excessivement compliqué. Il nécessite évidemment un peu d’attention, et permet surtout de prendre conscience de l’incroyable qualité de fabrication de tous ses élements. Le constructeur recommande l’emploi d’un support plutôt massif, et vu l’absence de suspension de la platine, il serait préférable que celui-ci lui soit intégralement dédié.
Le socle de la Fat Bob repose sur trois pieds coniques qui prennent appui dans des coupelles disposées en triangle équilatéral sur le support, dont la nature pourra influer sur sa sonorité. La bille sertie sur l’axe de rotation inversé est en oxyde d’aluminium travaillé sous hautes pression et température, de manière à obtenir une dureté et un état de surface comparables à la céramique. L’axe est strié hélicoïdalement afin d’assurer la circulation permanente de l’huile dans le palier. Deux versions de contre-plateau sont proposées : mono-bloc ou en deux pièces concentriques liées par roulement à billes et couplées magnétiquement (version TMD, voir schéma en coupe ci-dessous). La manipulation de cet élément en révèle sans ambiguïté la précision d’usinage, et son utilisation permet de réduire de moitié le pleurage et scintillement.
Le moteur est logé dans un petit boîtier chromé externe et est muni de son alimentation, elle aussi séparée. Le constructeur conseille d’abaisser très légèrement la hauteur de la poulie moteur par rapport à celle de la gorge utilisée sur le contre-plateau. De cette façon, la courroie, de section ronde, mord légèrement sur un flanc de la gorge et est ainsi amenée à tourner sur elle-même afin d’en assurer une usure régulière. On peut utiliser simultanément juqu’à trois blocs moteurs afin d’augmenter le couple de rotation !
La Fat Bob S peut, comme la plupart des modèles de la gamme, subir des modifications et améliorations conséquentes. La version écouté ici est donc équipée du contre-plateau à couplage magnétique et du bras Transrotor TR 9.1, qui n’est autre qu’un Rega 900, fortement remanié. Il est en effet entièrement recâblé, le système de contrepoids a été complètement revu par Transrotor, et un réglage d’angle vertical de lecture (VTA) est aménagé.
Esprit musical es-tu là ?
L’écoute ne décevra nullement l’amateur averti de gravures anciennes. A l’instar des platines massives, la Transrotor Fat Bob est un objet très neutre, conçu pour laisser s’exprimer les personnalités respectives des bras de lecture et cellules dont on l’équipera. Il est d’ailleurs possible de monter deux bras simultanément sur cette platine (de longueur 9 ou 12 pouces, en embases standard Rega ou SME).
Equipée d’une cellule Ortofon Rondo Red à bobines mobiles, elle délivre bien évidemment une qualité de son très «analogique», mais ne présentant pourtant pas le côté relâché, ralenti, voire imprécis de certaines productions récentes dans le domaine. Au contraire, les attaques sont franches, les instruments bien détourés, et le message n’affecte guère de lourdeur même avec des gravures riches en fréquences graves.
Pour nous en convaincre, nous avons ressorti quelques très bons albums de Serge Gainsbourg. La lecture de Melody Nelson, avec son hypnotique ligne de basse, fait référence en termes de présence sonore. Tout comme les morceaux d’Aux Armes et caetera … Il faut dire que la prise de la voix de Gainsbourg très typée «close-up» y est pour beaucoup. Mais elle est ici analysée avec beaucoup de précision, de douceur, et reproduite avec une dose modérée de sibillance. Comme à l’habitude avec des platines de haut niveau, la richesse et le relief de la scène sonore sont assez saisissants. La précision de focalisation des instruments et le pouvoir de séparation intrinsèque de cet ensemble ajoute encore au caractère réaliste de la reproduction. On guette en vain la survenue de distorsions de contact et d’artefacts typiques à la lecture des vinyls. En vain, car la modulation inscrite sur le disque est sereinement decryptée, sans aucun stress, par notre valeureuse Fat Bob S, qui n’a en fait de «fat» que le nom.
Qu’on le veuille ou non, le disque noir reste aujourd’hui encore une source inégalable en termes de restitution du grain instrumental, et ce par exemple sur les instruments à cordes. Même sur un vieil enregistrement Deutsche Grammophon, le caractère dynamique, spatial et incarné de la reproduction est indéniable. Les traits d’archets sont ressentis physiquement, les flûtes soufflent et flottent délicatement dans l’espace, l’impression de voir se déployer devant soi de véritables instruments est frappante. Les masses sonores n’affectent aucun aspect magmatique indistinct mais présentent au contraire une excellente lisibilité.
Il reste que l’on devrait pouvoir aller encore plus loin en termes de musicalité pure avec une autre combinaison de bras et cellule. Car pour pousser l’intransigeance un peu loin, nous aurions apprécié un soupçon de souplesse et de fluidité supplémentaires. Mais si l’on souhaite acquérir l’objet tel que présenté, ce qui est tout sauf un mauvais investissement, il ne faudra pas hésiter à jouer sur la force d’appui de la cellule, sur la hauteur du bras, aisément réglable, et surtout sur la tension de la courroie, qui présente une influence non négligeable sur sa musicalité. En l’occurrence, sur un morceau simple tel que le «The Man I Love » interprété au piano solo par Thelonious Monk, le rapprochement du bloc moteur à quelques 8 millimètres du socle de la platine a permis d’obtenir un message plus modulé et chantant qu’en position plus reculée. Par ailleurs, la réduction de la force d’appui de la cellule à une valeur de 2 grammes (contre 2,3 grammes conseillés par le constructeur) s’est également avérée bénéfique sur la vivacité subjective du message.
Conclusion
La platine Transrotor Fat Bob S est tout d’abord un très bel objet, usiné avec le plus grand soin, à l’instar d’autres fleurons de l’industrie allemande tels que ceux produits par des marques comme BMW ou Leica.
Il s’agit à l’évidence d’un objet intemporel, capable de traverser les âges sans prendre la moindre ride, et dont les possibilité d’évolution et de personnalisation très étendues accroîssent encore la pérennité. La conception «rigide» de cette platine en font un objet intrinsèquement simple à mettre en œuvre, l’éventuelle difficulté étant reportée sur le choix d’un support bien adapté, c'est-à-dire rigoureusement horizontal et stable, sans personnalité sonore marquée. A cette condition, la Fat Bob S constitue une plateforme d’une intégrité mécanique remarquable, susceptible de recevoir les meilleures associations de bras et cellules.
Cette platine donne en effet accès à ce que l’enregistrement analogique a de meilleur : consistance sonore, dynamique naturelle, spatialisation du message, sans pour autant sacrifier aux critères de franchise des attaques ou de précision du trait instrumental. C’est une conception très saine, d’un rapport qualité/prix attractif. Ce produit de luxe faisant tout juste son arrivée sur le marché français, la liste des revendeurs devrait être disponible d’ici peu auprès de l’importateur Alter Audio-Vidéo.
Spécifications constructeur
- Platine suspendue à entraînement par courroie, moteur synchrone
- Vitesses 33 1/3 et 45 tr/mn
- Plateau et contre-plateau en aluminium, couvre-plateau en acrylique
- Pleurage et Scintillement : NC
- Niveau de bruit : NC
- Dimensions (L x P x H) : 440 x 380 x 180 mm
- Poids : 25 kg environ
Configuration d'écoute
Configuration d'écoute
- Electroniques : Pré-préampli phono AQVOX Phono 2, Préampli ATC, amplis KARAN et FM ACOUSTIC
- Enceintes : VENUS Cassiopée 2
- Câblage : HIFI CABLE & COMPAGNIE Hathor (modulation) et MaxiTrans (enceintes)