Imposante présentation que celle des blocs Ayre !
Dès l’ouverture des cartons, on voit que l’on a à faire à deux appareils de très haute facture : emballage interne dans des pochettes en tissu, paire de gants blanc fournie pour la manipulation, luxueux manuel d’emploi … Sans compter le poids de ces unités (il ne vaut mieux pas compter !), superbement, superlativement usinées dans des blocs d’aluminium massif.
Bien entendu, s’agissant de blocs mono, l’interface utilisateur et la connectique sont réduites à leur plus simple expression. Mais quelle expression ! Prises d’entrée au seul standard XLR et bornes de sortie haut-parleur type fourche à couple de serrage (d’origine Cardas). La commutation entre Operation et Stand-by s’effectue en appuyant tout simplement sur la LED située en face avant. Enfin, à l’instar des autres éléments de la gamme, ces blocs sont pourvus de connecteurs RJ-11 qui permettent de commander de manière centralisée la mise sous tension d’un système Ayre.
Du point de vue technique, il faut avouer que le créateur Charles Hansen ne laisse pas filtrer énormément d’informations au sujet de ces monolithes. Contrairement à ce que leur compacité pourrait laisser croire, ces blocs ne sont pas des amplis numériques, mais reposent bien sur une alimentaire linéaire surdimensionnée à double transformateur, et sur un schéma d’amplification symétrique sans contre-réaction, mais compensé par un dispositif propriétaire dit «Equi-Lock». Cette approche désormais classique chez Ayre a pour objet de stabiliser le point de fonctionnement des transistors de puissance, mais sans conditionner cette stabilisation au seul critère de dissipation thermique.
Associée à de nouveaux transistors de sortie incorporant la technologie propriétaire «Thermal Track» qui optimise leur polarisation en permanence, cette technique permet selon le constructeur d’atteindre des niveaux de résolution et de musicalité insurpassés. Signalons également l’attention portée au choix des composants, et notamment aux condensateurs polystyrène et aux résistances de précision, développés spécifiquement pour la marque. Enfin, ces unités incorporent d’entrée une fonction de filtrage secteur, qui, dans certains cas, peut être complétée d’une unité externe telles qu’Ayre en propose.
Utilisation
On pourrait croire, lorsque l’on tutoie les sommets du très haut de gamme comme c’est clairement le cas ici avec ces blocs, que l’on est en présence d’éléments totalement universels, capables de fonctionner dans n’importe quelles conditions et de s’insérer dans n’importe quel système. Il n’en n’est rien, car même (ou peut être surtout ?) les plus grands ont leurs humeurs, notamment en ce qui concerne le choix de la source et du préampli associé. En effet, cette écoute justifiait le meilleur et cette écoute a été menée avec un fameux combo franco-allemand (Drive Acustic Arts et convertisseur Audiomat). Le caractère neutre et rigoureux des électroniques Ayre s’est ensuite admirablement accommodé de l’association avec un préampli éminemment musical et humain tel que le Nagra PL-L – mais sans doute beaucoup moins avec d’autres électroniques plus acérées. Enfin, on verra ci-dessous que deux partenariats électro-acoustiques ont donné énormément de satisfaction. Mais attention, la mise en œuvre de telles unités, dans un système cohérent, réclame à l’évidence une attention toute particulière, et des possibilité d’optimisations via le changement des câbles, le recours à un filtre secteur, l’installation sur des supports de qualité, etc …
Ecoute
Au prix actuel du mètre carré immobilier dans la plupart des grandes villes de France, l’amateur de musique fortuné pourra alternativement choisir de consacrer une bonne somme au remplacement de son amplificateur de puissance par les nouveaux blocs mono Ayre. Car, en plus de faire de la musique, beaucoup de musique, il n’est pas faux de dire que ces appareils ouvrent de nouveaux horizons acoustiques à la pièce d’écoute, sans qu’il soit besoin de changer de domicile pour autant.
Mais c’est tout d’abord par un phrasé incomparablement subtil, délicat et … aéré que se distinguent ces unités. Les Ayre extraient de chaque trait musical, de chaque accord et de chaque note un sentiment de plénitude, une mise en relief qui forcent respect et admiration. L’enveloppement dans l’événement musical est total, et ce, étonnamment même avec des enceintes simples – nous n’iront pas jusqu’à dire modestes – telles que les Totem Forest. Le message se déploie ainsi de manière totalement libre, fluide pour ne pas dire liquide, et plonge l’auditeur dans un véritable bain de jouvence. Cette première association peut évidemment paraître déséquilibrée, mais d’une part elle correspond bien à la philosophie de certains facteurs d’enceintes, et d’autre part, elle permet de prouver qu’une enceinte, même abordable, peut voir sont potentiel décuplé lorsqu’elle est alimentée par une électronique sans compromis.
La première écoute, avec un ensemble baroque, fait donc merveille grâce à l’effet de présence totale des instruments et des musiciens qui les animent, la mise en relief de toutes les lignes instrumentales y compris les plus tenues, celles que l’on ne perçoit pratiquement jamais même sur de très bons systèmes. Le lieu d’enregistrement est merveilleusement décrit et déployé. La tenue des fins de notes et de phrases est exemplairement longue, tout comme la tenue en bouche des arômes d’un très grand cru. On comprend également ici ce que le très haut de gamme apporte en matière de révélation des plus infimes modulations musicales. On pressent également une réserve dynamique exceptionnelle, mais qui s’exprime sans intransigeance ni accablement pour l’auditeur. Sur ce programme, le besoin de baisser le niveau ne se fait jamais sentir, même à niveau élevé. En écoute à l’aveugle, il devient quasiment impossible de localiser précisément les enceintes, encore moins d’apprécier leur taille réelle, manifestement décuplée par la puissance et la tenue de nos nouveaux monolithes.
Autre programme, autre association, plus raisonnée peut être. Nous installons une paire de Dynaudio C2 et laissons l’orchestre symphonique de la NDR de Hambourg se déployer avec magnificence. L’enregistrement écouté ici, réalisé en public de manière assez sobre et naturelle mais manifestement moins «fouillée» que dans des conditions studio, recouvre via les blocs Ayre une précision (spatiale) et une vigueur dans l’expression qu’on ne lui connaissait pas. La scène sonore se déploie en effet de façon magistrale (davantage en profondeur qu’en largeur, en l’occurrence), la focalisation des groupes instrumentaux et de certains solistes redevenant pleinement appréciable.
Du point de vue spectral, l’équilibre est manifeste, tout comme l’absence apparente de limitation aux confins du spectre. Comme avec les autres disques écoutés lors de ce test, la palette des timbres paraît illimitée, et donne une version particulièrement colorée et chantante de la 3e Symphonie de Brahms. Tous les registres présentent une égale transparence, une égale tonicité, de sorte que l’on a l’impression d’être devant une fenêtre, ou plutôt une grande baie, largement ouverte sur l’événement musical. Il ne s’agit pour ainsi dire plus d’une reproduction électronique, plus ou moins brillante, d’un signal enregistré. L’absence de crispation, même sur les crêtes de modulation les plus vives est manifeste. L’écoute même distraite et à volume réduit – aux moments où l’attention, y compris du plus obstiné des chroniqueurs, se relâche – parvient à surprendre par son ampleur inhabituelle.
L’effet de présence est total même à l’écoute de vieux enregistrements, tel que ce Ah Um de Charles Mingus, il est vrai admirablement remasterisé par Columbia Jazz. La scansion de «Goodbye Pork Pie Hat» est admirable. Chaque ligne instrumentale est analysée et reproduite avec une acuité confondante. On suit les moindres inflexions et contretemps avec une lisibilité exemplaire, ce qui confère au morceau une matérialité et un côté humain absolument inouï. Encore une fois, l’aspect musique enregistrée s’efface presque totalement pour laisser place au jeu, aux gestes des instrumentistes et à leur situation dans l’espace.
Pour achever cette écoute, nous avons ressorti un intéressant opus brésilien. Non pas un grand classique des années 70, mais l’excellent Na Pressão du brésilien Lenine, savant mélange de rock/world et bossa nova, parsemé de nombreux effets, bruitages et artefacts travaillés. Ici aussi, les blocs mono Ayre nous jouent un grand tour de maîtrise totale des transducteurs et de transparence vis-à-vis du signal incident … L’analyse de la voix de Lenine le rend infiniment proche, comme s’il l’on assistait en direct à l’enregistrement. La rythmique est poussée avec une facilité déconcertante : les informations rythmiques rebondissent allègrement et confèrent aux morceaux une vitalité incomparable.
Conclusion
Les blocs mono Ayre MX-R constituent sans aucun doute possible une réalisation exceptionnelle tant du point de vue de la qualité de fabrication, des performances techniques ou du résultat musical que l’on peut en obtenir. Grâce à ces unités, l’expression musicale s’expose dans ses moindres détails, avec néanmoins une mise en lumière bien dosée des plans et des effets, de manière à éviter l’effet de loupe systématique qui caractérise parfois certains gros systèmes. Bien entendu, la réserve de puissance, et au-delà de ce simple critère, de dynamique pure, est réellement impressionnante. Tout comme la bande passante, subjectivement illimitée. Pour autant, ces électroniques ont leur caractère, qui en toute logique ne s’accordera pas forcément à celui du premier venu ! Leur capacité à faire vibrer l’air entre les instrumentistes, à présenter une version souple et allègre du message ne doit pas cacher leur côté très rigoureux, voire sec, en tout cas dénué de toute trace de rondeur. Neutralité et intégrité sont ici portées à leur paroxysme. Il faudra donc prendre garde au choix des maillons qui leur seront associés. Une fois ce travail effectué, un immense plaisir attend l’auditeur. Le prix à payer pour disposer d’une telle excellence reste malheureusement très élevé.
Spécifications constructeur
- Puissance de sortie : 300 Watts sous 8 Ohms, 600 Watts sous 4 Ohms
- Puissance de sortie : 300 Watts sous 8 Ohms, 600 Watts sous 4 Ohms
- Gain : 26 dB
- Réponse en fréquence : 0 Hz à 250 kHz
- Impédance : 2 x 1 MOhm symétrique
- Consommation : 120 W au repos
- Dimensions : 28 cm x 48 cm x 9,5 cm
- Poids : 23 kg
Système utilisé
- Source : lecteur Acustic Arts Drive 1 et convertisseur Audiomat Tempo
- Enceintes : Totem Forest, Thiel CS 2.4 et Dynaudio C2
- Câbles : Linn symétrique et Ecosse SMS 2.3 en liaison enceintes
Système utilisé
- Source : lecteur Acustic Arts Drive 1 et convertisseur Audiomat Tempo
- Enceintes : Totem Forest, Thiel CS 2.4 et Dynaudio C2
- Câbles : Linn symétrique et Ecosse SMS 2.3 en liaison enceintes